Le nom quelque peu cocasse et pittoresque de cette boutique est loin de refléter la réalité raffinée et subtile qu'on y découvre à l'intérieur. En effet, cette boutique d'habillement pour sorciers propose des tissus précieux et des vêtements élégants dont les habitants de Beauxbâtons raffolent - les uniformes des étudiants proviennent d'ailleurs de cette boutique. Mais le style des couturiers du Chiffon est quelque peu sobre et traditionnel, bien moins original et dévergondé que les boutiques de la capitale. Les professeurs de l'Académie recommandent fortement cette boutique aux élèves, refusant parfois avec sévérité des garçons et des filles qui se présentent aux cours en tenues bien trop osées, tout droit sorties des boutiques de mode parisiennes les plus originales.

Que vous diniez ou déjeunez sur la terrasse pavée bordant l'Esplanade, sous des parasols vert anis diffusant sans qu'on le leur demande une fraicheur salvatrice, ou à l'intérieur, dans la tiédeur qui s'échappe de la cheminée de pierre, vous passerez immanquablement un moment exceptionnel à l'Ecuyer Gourmet. Les cuisiniers sont au nombre de quatre, et leurs plats rivalisent avec la Ferme du Palais en matière de goût authentique et de raffinement. Le menu propose quatre plat, un plat inventé par chacun des cuisiniers, et change tous les lundis. Une lumière douce éclaire les tables de bois sombre et bosselé auxquelles sont attablés des jeunes et moins jeunes couples, des sorciers solitaires, un journal ou un livre en main, des groupes d'amis aux visages ravis, mais sachez que le Gourmet n'accepte pas chez lui les êtres magiques. Seuls les humains présentables sont autorisés à poser les pieds sous la table.

Les français sont joueurs, et s'il devait exister un maitre du jeu, ce serait bien Monsieur Stromboli et ses pantalonnades. Sa boutique, aux couleurs pourpre et argent éclatants, on trouve toutes les farces et les mauvais tours que l'esprit de Monsieur Stromboli peut inventer. Les étagères sont si grandes qu'il faut grimper sur des escabeaux pour atteindre des tours qui peuvent, à tout moment, vous jaillir au visage. Ici, des pigeons cracheurs de feu, des arc-en-ciels en sucre d'orge qui glousse dès que vous y posez la langue, des livres qui se mettent à lancer des jurons lorsque vous les ouvrez, de fausses flaques d'eau à glisser au fond des sacs ou à déposer en plein milieu d'un couloir, des gants qui transforment vos mains en têtes de serpents, des jeux de cartes capricieuses, des écharpes ricaneuses, des dominos qui refusent d'être accolés au domino qu'ils ont décidé de détester, des cordes à sauter qui s'enroulent autour de vos pieds quand l'envie les prend, et, le meilleur de Stromboli: ses centaines de déguisements magiques...

Au-dessus de la porte de bois, on peut lire "depuis 1697" en lettres d'or que le temps n'a pas réussi à écailler. Cette librairie a des allures de cachette secrète: étroite, toute en hauteur, elle regorge d'ouvrages communs et rares, voire introuvables, et trie ses auteurs avec soin. Les livres traitant de magie obscure sont relayés aux plus hauts étages, les préférences du libraire ont leur place sur les tables rondes qui recouvrent l'espace. Sur le bois du sol est étalé un tapis épais qui annule les bruits de pas et rend le lieu presque aussi silencieux que la bibliothèque du Palais. Clairconte est à la fois éditeur et diffuseur, aussi se permet-il d'inviter ses auteurs préférés pour des séances de dédicaces. Le libraire affirme souvent qu'il n'y a pas un livre qu'il ne possède pas. Prouvez-lui le contraire, et il vous répondra que ce n'est pas un livre que cela, mais "une rature grossière sur les pages de l'histoire".