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 « You don't know what love is till you love somebody. »

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MAJOR E LONGINQUO REVERENTIA
Léa Covilliers
Léa Covilliers
◗ HIBOUX : 39 ◗ REVELATEUR : « You don't know what love is till you love somebody. » Tumblr_mgbx6nDDAf1qa1bxgo4_250
◗ PSEUDO : Sun Showers (Marie). ◗ CREDITS : reckless tears.
◗ SANG : Roturière

CARTE CHOCOGRENOUILLE
◗ LIENS:

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MessageSujet: « You don't know what love is till you love somebody. »   « You don't know what love is till you love somebody. » EmptyLun 27 Jan - 15:42

You play the role, I play the lead. We strike a pose. I was too blind to see. What is love? What is love to you?
+++


Non. Oh, non. Elle n’avait pas voulu, c’est promis, elle n’avait pas voulu se trouver là, à ce moment-là, quand elle n’aurait pas dû. Elle ne savait pas, ou elle avait oublié. Elle se sentait un peu perdue, à présent. Elle était entrée dans les écuries, comme plusieurs fois par semaine. Elle avait besoin de se rendre près des chevaux, oublier la routine près de ces humains qui la regardaient à peine. Elle avait juste besoin d’oublier, encore un peu. Ne plus penser. Se concentrer sur elle-même, simplement quelques minutes. Narguer le monde entier. Les dédaigner. Les détester. C’est avec les larmes aux yeux qu’elle considère le panneau – « Il est temporairement interdit de se rendre aux écuries. » Non seulement se met-elle dans une situation improbable dans laquelle elle désobéit au règlement, mais qui plus est, son moment de solitude lui est refusé. Elle soupire, refoule les larmes – il n’est pas question de pleurer, maintenant – et regarde autour d’elle. Les écuries sont vides, tous les chevaux semblent avoir disparu, ou simplement avoir été emmené ailleurs. Et sans vraiment réfléchir, sans même comprendre pourquoi, ses pieds l’incitent à s’avancer plus loin, là, à l’intérieur. Là où elle n’aurait pas dû aller. Elle marche à pas feutrés, pour ne pas se faire remarquer, même s’il était certain qu’elle était la seule présence humaine dans ces écuries. Elle avance, comme si son destin l’appelait, laisse ses mains glisser sur les murs de pierres froides. Son corps tout entier frissonne. Elle se sent tellement bien, dans cet endroit. Elle s’y sent presqu’en sécurité. Elle sait, ici, qu’elle ne risque pas de croiser une âme sarcastique, ironique, lui voulant peut-être du mal. Et l’interdiction imposée à l’entrée des écuries renforce cette impression de sécurité. Car, aujourd’hui, elle en est sûre, personne ne viendra la déranger, dans son heure de repos, de contemplation. Et même si les chevaux, qu’elle aime observer en silence, ne sont pas là, elle continue de ressentir leur présence. Et de se sentir bien.

Et puis un bruit, un frottement interrompt le silence dans lequel Léa était plongée depuis de longues minutes. Elle sursaute, elle ne s’attendait pas à entendre quelque chose. Surtout parce qu’elle pensait être seule. Totalement seule. Il fallait toujours que quelque chose, ou quelqu’un, vienne perturber sa solitude, sa plénitude. Son cœur bat, car le bruit continue. Comme si l’on marchait dans la paille, dispersée un peu partout sur le sol de l’écurie. Elle fronce les sourcils, regarde autour d’elle, mais ne voit rien. Jamais rien. Et elle s’affole. Elle s’affole car elle se souvient, elle se souvient qu’elle n’est pas censée être ici. Elle se mord la lèvre inférieure et décide de partir de l’autre côté, de s’éloigner. Elle entend toujours le bruit de pas feutrés mais ne voit rien, elle s’imagine alors juste que la personne est encore près de l’entrée des écuries et qu’elle se dirige à présent vers elle. Alors, Léa avance. Vite, très vite. Elle connaît une autre sortie, celle que l’on utilise pour sortir avec les chevaux. Elle se faufile rapidement entre les boxes, essaye de contenir sa respiration haletante, pour rester le plus discret possible. Mais, mais. Au détour d’un box, elle se fige. Car ce qu’elle vient de voir la prend par surprise. Elle hoquète, garde la bouche légèrement ouverte. Un garçon vient de surgir de nulle part. Il n’était pas là quelques secondes auparavant, elle en était sûre. Le box était vide, elle n’était pas folle. Et puis, le voilà, lui, les cheveux ruisselants par la pluie qui frappait au-dehors, les chaussures et le pantalon couverts de boue. Surpris par le petit bruit sorti tout droit de la bouche de Léa, il lève les yeux vers elle. Il a un mouvement de recul. Comme elle. Parce qu’elle ne s’attendait pas à voir quelqu’un ici. Lui non plus, apparemment. Il tenait une cape fermement entre ses mains, et quand Léa baisse les yeux vers celle-ci, le garçon la cache mécaniquement derrière son dos. Alors, elle comprend. Une cape d’invisibilité. C’est comme ça qu’il avait pu surgir de nulle part. Les capes d’invisibilité n’étaient pas vraiment autorisées. Surtout pas si elles permettaient aux élèves de se faufiler dans des endroits interdits, ou à des heures où ils devaient déjà, depuis longtemps, se trouver dans leur salle commune. Léa reste plantée, là, elle n’ose pas bouger, surtout quand le garçon la fusille du regard, comme si c’était de sa faute s’ils s’étaient croisés, là. Elle n’avait rien demandé, c’était de sa faute après tout. Il l’avait effrayé. Elle avait voulu s’enfuir, s’était peut-être trompée de chemin. Elle n’y était pour rien. Peut-être voudra-t-il la dénoncer. Aller dire à la directrice que Léa Covilliers a désobéi au règlement. A nouveau, ses yeux bleus glacials se remplissent de larmes. Elle aurait dû partir dès le début, elle n’aurait ainsi jamais croisé le chemin de ce garçon, à l’allure intrigante. Elle ne dit rien, parce qu’elle n’a rien à dire. Elle ne songe qu’à s’enfuir. Alors, elle tourne les talons et s’apprête à partir. A retourner au château et oublier ce qu’elle vient de voir – car il est certain que Léa n’ira jamais dénoncer le jeune homme. Et elle espère que lui non plus. Mais il n’aurait rien à y gagner, tout à y perdre. Elle avance de quelques pas quand il l’interpelle. Elle s’arrête dans son élan, et le maudit. Que me veut-il, bon sang ? Elle n’aurait jamais dû venir ici.
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MAJOR E LONGINQUO REVERENTIA
Iann Kermarrec
Iann Kermarrec
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MessageSujet: Re: « You don't know what love is till you love somebody. »   « You don't know what love is till you love somebody. » EmptySam 1 Fév - 16:30


- Hé ! HÉ !
Sa tentative de chuchotement ressemble davantage à un hurlement mais très honnêtement, il s’en fout, il a perdu le contrôle pendant deux minuscules secondes et ces deux secondes ont eu un effet boule de neige absolument atroce, il se prend les pieds dans le fil maintenant et n’arrive pas à retrouver un point d’ancrage, il coule, il se noierait presque dans la flaque de boue formée à ses pieds, il faudrait qu’il respire mais il ne peut pas, pas maintenant, pas tout de suite, et sûrement pas pour les dix prochaines minutes à venir.  

Rembobinons. Cette cape d’invisibilité, c’était son père qui lui avait donnée. Donnée, achetée, volée, héritée, peu importe. Iann avait trouvé ça très « Harry » – et c’était sûrement l’effet voulu par son père quand il avait planqué ce cadeau-là dans sa valise en route pour Beauxbâtons, sans lui dire, sans mode d’emploi, sans règles, sans sermon, juste en lui laissant la surprise et en le poussant gentiment à l’étonner, à se surpasser, à se démerder – avant de se rappeler que son combat à lui n’était sûrement pas aussi noble, ni aussi fou, et que si la cape lui servait seulement à voler les réponses des examens à venir, ce serait déjà une petite victoire. Erwin Kermarrec s’était ainsi débarrassé de cette cape en faisant le bonheur de son fils. Pourquoi ? Parce qu’il n’avait plus le temps de passer ses soirées à espionner les autres, que c’était une manière de tester Iann en la lui offrant pour sa dernière année, celle qui allait tout changer. Il avait volontairement choisi d’aggraver la curiosité quasi malsaine de son fils : rien d’étonnant, donc, à ce qu’Iann profite de son emploi du temps trop ennuyeux à son goût pour s’éclipser discrètement de l’école…

Les livres rendent toujours les capes d’invisibilité terriblement excitantes. La réalité, en revanche, est beaucoup moins glorieuse. Après avoir passé les premiers jours à trouver la solution des pieds – comment ne pas trébucher sur le tissu de la cape, comment éviter qu’une paire de baskets déambule au milieu de nulle part – Iann s’était penché sur la question des parasites. Comment anticiper le choc d’une rencontre au coin d’un couloir, comment passer les portes sans éveiller les soupçons, comment rester dans une pièce bondée sans se faire griller, comment ouvrir grand les yeux et les oreilles tout en maîtrisant ses pieds, et les gens. Sans carte du maraudeur, ce n’était pas aussi facile qu’il se l’était imaginé. Il fallait qu’il s’entraîne avant de pouvoir l’utiliser – l’utiliser à des fins utiles, s’entend – et c’est principalement pour cette raison qu’il avait poussé jusqu’à Orange aujourd’hui, malgré la pluie diluvienne et sa raison qui lui criait de rester au château, d’aller gentiment en cours, comme tout le monde. Résultat de cette escapade ? Le bas de son pantalon était tâché de boue, ses chaussettes baignaient dans l’eau, il était trempé, gelé, agacé par le fait d’avoir toujours autant de mal à trouver les bonnes planques pour enlever sa cape (clairement) et, tout paranoïaque qu’il est, décida donc de se changer dans les écuries, temporairement interdites pour… pour… comment avaient-ils appelé ça ? « Renouvellement chevalin sur ordre du Roi ? » Ou une autre connerie du genre. Il s’était étonné de les trouver ouvertes mais ne s’en était pas formalisé, un employé mal informé avait sûrement oublié de fermer une entrée, il n’allait pas s’en plaindre, après tout ça lui facilitait la tâche.

Mais c’était sans compter ce minuscule cri de surprise qui l’avait fait se retourner, lever les yeux, se rendre compte qu’il n’avait pas un cheval en face de lui mais une fille dont le regard bleu glacé lui montrait qu’elle avait aussi peur que lui. Il s’arrête. Surprise et panique le stoppent net dans son élan, il la dévisage avec un mélange de quinze émotions différentes, ça se défoule sous son crâne, ses yeux n’arrêtent pas d’aller de cette fille au sol, du sol au box d’à côté, du box à la fille, il se rend compte qu’il est incapable de trouver une solution, qu’il est au fin fond du chaudron le plus profond de toute la France (bon, presque), qu’il a fait une erreur, qu’il a perdu le contrôle, que c’est inadmissible. Lui demander ce qu’elle a vu parait inutile : c’est évident, elle a tout vu, elle l’a vu apparaître au milieu de nulle part, surgir du dessous d’une cape et tenter de la dissimuler. Cacher un objet invisible devrait pourtant être un jeu d’enfants. Mais non. Tant qu’il l’a dans les mains, tant qu’elle le voit s’agripper au néant, il lui fournit automatiquement la réponse. Pendant quelques longues secondes c’est comme si le temps s’était arrêté, foudroyant Iann sur place, le rendant incapable du moindre geste ou de la moindre parole. Le froid l’a déjà envahi de la tête aux pieds mais il a l’impression de se prendre une douche glaciale, littéralement, il sent l’eau dégouliner le long de ses joues et de ses manches jusqu’à ses pieds où il est en train de former un mini marécage.

Ensuite, elle a le culot de vouloir partir. C’est en la voyant se retourner que, bizarrement, Iann la reconnait. En lui criant ces deux petites syllabes indignées, les briques se sont alignées, il y a eu de la lumière quelque part dans son cerveau embrumé et il a replacé ce visage de poupée dans sa case d’origine : l’atelier de peinture. Léa, la jolie Léa qui dresse toujours un mur de glace entre elle et le monde entier. Léa et ses grands yeux bleus de chat qui lui renvoient sa médiocrité en pleine gueule. Maintenant que la surprise s’est estompée, il y a désormais assez de place pour la colère qui lui fait froncer les sourcils, serrer les dents, lever sa baguette et la tenir pointée sur cette fille qui n’a rien à faire là. Il sait qu’il perd la raison, qu’il devrait garder son sang-froid, réfléchir, intimider, draguer, se sortir de cet instant vacillant par n’importe quel moyen, mais comme avec Sélène, comme avec la plume qu’il avait passé tant d’heures à entraîner, on a touché là un des secrets de sa future réussite, on a trébuché sur sa brillante carrière de journaliste et dans l’immédiat, il est tout bonnement incapable de réfléchir correctement.
- Où est-ce que tu vas ?! Reste ici !
Il lui faut explications, toute de suite, il faut qu’elle jure de ne jamais en parler à personne, qu’elle mette ça dans un tiroir de sa mémoire et qu’elle n’y repense plus jamais, il faut qu’elle disparaisse, maintenant, qu’il lui jette un sortilège d’amnésie peut-être… non. Non ? En tenant sa baguette à l’horizontale, la cape désormais roulée en boule au fond de son sac, il se rend compte qu’il tremble. La pluie, la tension, la surprise, la colère ? Aucune idée. Sa main instable le rend dingue, il se noie dans les yeux larmoyants de Léa, c’est insupportable, il décide de contrer cette vulnérabilité en s’accrochant un peu plus à sa baguette et en s’avançant, forçant Léa à reculer contre le box le plus proche.
Si elle n’est pas la seule à traîner dans les parages, il doit se montrer discret, l’engueuler en chuchotant, ne plus rien laisser au hasard ; et surtout, calmer la terreur qui est en train de le submerger.

- Qu’est-ce que tu fous là ? Les écuries sont fermées, qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu as vu ? Pourquoi tu n’es pas en cours ? Pourq… Que… Si tu…
Il s’embrouille tout seul, sa respiration saccadée l’empêche d’aligner deux mots de plus. Il serre les dents, serre les poings. Puis, sorti de nulle part :
- Donne-moi ta baguette. Tout de suite. Donne-moi ta baguette.
Il veut être sûr de lui retirer tous les avantages qu’elle pourrait avoir sur lui à l’avenir, pleinement conscient que cet instant là va tout changer.
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Léa Covilliers
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MessageSujet: Re: « You don't know what love is till you love somebody. »   « You don't know what love is till you love somebody. » EmptyLun 10 Fév - 16:22

« Hé ! HÉ ! » Elle s’arrête, elle se sent obligée de stopper sa fuite, d’attendre. Elle aurait voulu fuir, à des kilomètres, se cacher, sous ses couvertures, ne plus revenir, n’avoir jamais croisé ce sombre inconnu. Elle n’avait rien à faire là, et elle avait peur. Peur de se faire dénoncer. Peur qu’on lui reproche sa désobéissance. Elle, l’oiseau qui avait peur de s’envoler. L’oiseau qui n’avait jamais appris à déployer ses ailes. « Où est-ce que tu vas ?! Reste ici ! » Elle se retourne, lentement, et un froid glacial emplit son corps entier lorsqu’elle l’aperçoit, tenant sa baguette pointée vers elle. Et, les sourcils froncés, les lèvres pincées par la colère, elle le reconnaît. Iann. Iann Kermarrec. Ils n’avaient rien en commun, si ce n’est l’atelier de peinture. Elle aurait pu penser que l’amour de la peinture la rapprocherait des autres, ceux qui partageaient cette même passion, mais une fois de plus, elle avait eu tort. Car, elle avait pour habitude de former un mur, invisible, entre elle et les gens. Elle ne savait pas comment le briser, le détruire, l’oublier. Parfois, certaines personnes venaient lui adresser la parole, mais elle répondait à peine, nerveuse, craignant de faire une bêtise. Alors, elle s’enfermait dans ce silence qui était devenu habituel et les laissait s’échapper, tous, les uns après les autres. Mais elle n’aime pas Iann. Pas vraiment. Il a cet air insolent, prêt à tout pour se faire remarquer. Un air qu’elle n’apprécie pas, qu’elle maudirait presque en silence, si elle s’autorisait à prononcer des jurons. Et là, maintenant, elle n’aime pas le ton qu’emploie Iann avec elle. Comme si elle n’était qu’une pauvre enfant. Et lui, le parent autoritaire qui se devait de punir la désobéissante, la mal-élevée, la honte de la famille. Mais il n’est rien. Ou pire qu’elle. Elle, n’était pas venue ici en sachant que c’était interdit. Elle avait oublié. Lui, lui, elle en était sûre, n’avait fait que désobéir, il avait utilisé cette stupide cape pour faire ses coups en douces. Elle s’énerve un peu, et, entre cette crainte, presque idiote, et la colère, qui monte en elle, ses yeux se noient de larmes. Il s’approche d’elle, et elle recule, automatiquement, jusqu’à ce que son dos se cogne à un box. Elle ferme les yeux, quelques secondes, sous le choc, avant de croiser celui d’Iann, qui la dévore du regard, comme un prédateur prête à avaler sa proie. Elle déglutit : « Je voulais… Je rentre à l’école. »

Elle aurait bien voulu sembler un peu plus confiante, parler avec plus d’assurance, mais elle n’en était pas vraiment capable. Il lui fait peur, au fond. Lui, bien plus que la situation dans laquelle ils se trouvent. Elle est certaine, maintenant, que si un professeur ou un employé quelconque l’avait trouvé, elle aurait eu moins peur. Il n’aurait pas eu cet air là, cette respiration haletante, il ne se serait pas tenu à quelques centimètres d’elle, seulement. Car la distance qui les séparait à présent était moindre. Elle sent sa baguette contre son ventre. Celle qu’il garde pointée sur elle, comme une menace ultime. « Qu’est-ce que tu fous là ? Les écuries sont fermées, qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu as vu ? Pourquoi tu n’es pas en cours ? Pourq… Que… Si tu… » Elle remarque à peine sa façon saccadée de parler. Comme si c’était normal. Elle veut se dégager, s’enfuir, mais il est trop proche d’elle et elle n’ose pas le toucher pour le faire reculer. Alors, elle reste là, comme une petite fille perdue au milieu d’un bois sombre. Elle reste là, collée contre le mur, en essayant de regarder ailleurs que vers le visage du jeune homme. Elle ne prend même pas la peine d’essayer de répondre, parce qu’elle sait qu’elle paraîtrait encore plus ahurie et innocente. Et puis, elle a à peine compris son baratin, ce qu’il a bredouillé avec tant de difficultés. Trop, trop de questions. Si bien qu’elle s’est perdue. Et elle doute que sa réponse ne l’intéresse vraiment. Il est comme un pauvre adolescent que l’on a pris sur le fait, qui tente de se défendre en utilisant la colère, la violence. Il pourrait presque lui faire pitié si elle n’avait pas si peur.

Et tout à coup, alors qu’elle pensait que le pire ne pouvait pas arriver, le voilà qui la menace, encore : « Donne-moi ta baguette. Tout de suite. Donne-moi ta baguette. » Instinctivement, elle glisse sa main vers la poche de sa robe. Ce qu’elle n’aurait pas dû faire. Car il suit son geste du regard et, brisant alors toutes les limites, se penche vers elle, essayant d’atteindre sa baguette, soigneusement rangée dans la poche droite. Elle étouffe un petit cri, mélange de stupeur et de désapprobation. Un tel affront… Et cette fois, cette fois, elle n’a plus peur, elle ne se laissera pas faire : sa baguette, c’est tout ce qu’elle a, ce qui la définit, ce qui fait d’elle un être un peu plus exceptionnel que les autres, alors non, non, Iann Kermarrec, tu ne lui prendras pas sa baguette. Elle pose ses mains sur son torse, et elle pousse, elle pousse, violemment, de toutes ses forces, jusqu’à le faire reculer. Et elle se met à frapper, à frapper, ses bras, son corps, peut-être même le gifle-t-elle, elle ne sait pas, elle ne sait plus ce qu’elle fait. Mais, elle s’énerve. Lui qui essaie de l’affronter, qui pense qu’elle ne fera rien quand on s’attaque à ce qu’elle a de plus précieux. Et, les yeux brillants, les larmes coulant sur ses joues, elle déclare, d’une voix forte, bien plus forte que d’habitude, elle d’ordinaire si douce et calme : « Va-t-en, maintenant. Laisse-moi tranquille. » Et elle reste plantée là, au lieu de s’enfuir, parce qu’elle le regarde, lui la regarde aussi. Il a l’air ébahi, stupéfait de la voir sortir de son état de léthargie habituel. Elle se sent elle-même différente. Elle se sent fière.
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MAJOR E LONGINQUO REVERENTIA
Iann Kermarrec
Iann Kermarrec
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MessageSujet: Re: « You don't know what love is till you love somebody. »   « You don't know what love is till you love somebody. » EmptyMer 12 Fév - 17:05



Il ne l’écoute pas, c’est évident ; elle voudrait rentrer à l’école, retrouver les murs sécurisants de l’académie au lieu de se retrouver dans ces écuries glauques et vides avec lui, il devient même flagrant qu’il lui fait peur avec sa baguette pointée sur elle, qu’elle n’a rien demandé, qu’elle n’a rien à cacher, mais il n’écoute pas. Pour la première fois depuis bien longtemps, Iann n’a aucune carte dans sa poche, aucun lapin à sortir de son chapeau, aucun sortilège pour se sortir de l’impasse. Il ne sait pas comment envisager la suite et ça lui fait perdre tous ses moyens. Sa colère n’a aucun fondement et elle va disparaître aussi vite qu’elle est arrivée, il le sait, et pourtant elle est toujours là à cogner à ses tempes, à lui faire voir la réalité sous un prisme délirant. Il voudrait reprendre la main, le contrôle, ne sachant que trop bien toutes les stupidités dont il est capable quand il perd le contrôle… et c’est d’ailleurs le cas quand Léa fait mine de chercher sa baguette dans sa poche. Il tend la main par réflexe, arrive presque à atteindre la poche dans laquelle elle se trouve mais son geste est interrompu : Léa le repousse. De toute ses forces. Avec une hargne qu’il n’aurait jamais imaginée venant d’elle. Il recule, abasourdi par cette réponse qu’il n’a pas vu venir (mais qu’il aurait dû voir venir, pourtant, ce n’est pas la première fois qu’une confrontation avec une fille finit par se transformer en ring…) et recule encore quand elle vient le frapper de ses petits poings fermés.
Se protège de ses deux bras qu’elle vient cogner à leur tour, se prend même une gifle au passage, laisse presque tomber sa baguette dans la bataille mais Léa s’arrête juste à temps, le laissant abasourdi et la joue rouge de honte. Sous la surprise, sa colère s’est mise en sourdine : une seconde de plus et elle se serait réveillée à nouveau, lui ordonnant de contrer les coups, même sur une fille, même si elle était plus jeune que lui, même s’il se plantait sur toute la ligne, lui laissant plus tard le goût âpre du regret sur la langue.

- Va-t-en, maintenant. Laisse-moi tranquille.
Il ne reconnait plus la douce Léa mais, dans le même temps, comprend  à présent entièrement son appartenance à l’écrin Saphiroy. Qu’est-ce qu’il s’imaginait ? Que parce qu’elle restait dans un coin de l’atelier de peinture, elle resterait de marbre sous la menace ? Qu’elle obéirait gentiment et lui donnerait sa baguette ? Qu’elle le regarderait sans rien dire pendant qu’il jetterait sa baguette à l’autre bout des écuries, la casserait en deux, la brûlerait – ? – la confisquerait jusqu’à ce qu’elle accepte de subir un sortilège d’amnésie ? Non, elle ne lui avait pas donné cette satisfaction. S’il devait être complètement honnête avec lui-même – impossible pour le moment – il aurait même été reconnaissant pour ces coups et ces gifles : ils avaient été le seul moyen de le ramener à la terre ferme. Enfin, une faible lumière commençait à percer dans le brouillard. Faible, mais suffisante pour qu’il s’arrête de trembler comme une feuille.

- Léa, tu ne comprends pas.
Il lève les deux mains en signe de paix, lui montre qu’il range la baguette dans sa poche, qu’il ne tentera rien de stupide, qu’il a compris, mais dans le même temps fait un pas dans sa direction, refusant de hausser la voix mais veillant à ce qu’elle entende chacun de ses mots ; il est essentiel qu’elle entende parfaitement tout ce qu’il a à lui dire.
- Tu dois me jurer de n’en parler à personne, tu m’entends ? Personne. Personne ne doit savoir. Tu n’as rien vu, je n’étais pas là. Si jamais tu le répètes à qui que ce soit… Il s’avance encore un peu, les mains toujours levées, loin de sa baguette, sourd à la tension et à la menace qui percent sous son chuchotement. Il faut qu’elle comprenne qu’il sera prêt à tout pour garder l’existence de la cape secrète. Que si elle le trahit…

- Dis-le. Tu n’as rien vu.
Il ne la quitte plus du regard maintenant, comme si ce simple fait allait forcer sa complicité et la plier à son ordre. Il ne lui veut aucun mal, pourtant… Il ose même espérer qu’il n’aura jamais à lui faire du mal : elle ne le mérite pas, sa bulle d’innocence ne devrait pas être éclatée de manière aussi brutale et il n’a aucun droit de la secouer, de la menacer comme il le fait. Sauf qu’elle ne lui laisse pas le choix.
Après avoir remarqué les larmes qui ont coulé sur les joues de Léa, son ton s’adoucit légèrement, devenant un curieux mélange de supplication et d’intimidation. Elle a gagné en résistance, lui s’est affaibli.
- Promets-moi que tu vas effacer ce souvenir de ta mémoire, que tu vas rentrer au château en oubliant tout ça, que si jamais quelqu’un te demande où tu étais, tu inventeras une autre histoire. Une histoire plausible. Si tu me promets que je peux te faire confiance, alors je m’en vais, maintenant, et on n’en reparlera plus jamais.
Il devrait s’excuser. Et il le fait, intérieurement, mais les mots ne passent pas la barrière de ses lèvres. Elle devra se contenter de ça, et lui promettre.
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MessageSujet: Re: « You don't know what love is till you love somebody. »   « You don't know what love is till you love somebody. » EmptyVen 21 Mar - 20:27

Il vaut mieux parfois laisser ses émotions glisser. Les fuir, ne pas les regarder, les éviter pour mieux les contrôler. Oublier, les oublier. Détourner le regard. Respirer pour mieux reprendre son chemin. Parfois, au contraire, il fallait les laisser éclater. Oublier la bienséance, le regard des autres. Laisser la colère, la rage prendre le contrôle d’un corps frêle et faible. Ne plus savoir ce qui est bien ou mal. Mais, juste, juste, ne plus se laisser faire. Hurler, s’il le faut. Pleurer, probablement. Et frapper, frapper, encore et encore, celui-là. Celui-là même qui pensait pouvoir vous dominer, d’un geste, d’un regard. Parce que plus grand, plus fort, plus sûr. Elle, le petit ange déchu, elle veut lui montrer qu’il ne fera pas d’elle ce dont il a envie. Elle peut être aussi forte, aussi sûre que lui. Alors, parce qu’elle ne trouve pas les mots, elle se réfugie dans la violence des gestes. Elle tape, de ses poings, de ses mains, ne lui fait probablement pas mal mais s’en fiche complètement. Tout ce qui lui importe, c’est la rage. Cette rage qu’elle voit s’évaporer de son esprit, à mesure qu’elle donne les coups. Il tente de se protéger, y parvient peut-être, mais elle ne voit rien, elle ne sait même pas où elle cogne exactement. Mais quand leur peau se touche, elle sait qu’elle est au bon endroit, qu’elle ne frappe pas dans le vent. Elle sent peut-être sa joue, se rend compte de ce qu’elle est en train de faire. Cette violence si éloignée de sa personnalité, mais pourtant enfouie en elle depuis des années. Peut-être s’était-il trouvé  au mauvais endroit, au mauvais moment ? Elle avait eu besoin d’évacuer, il l’avait énervé, c’était la bonne solution. Il prendrait toute cette colère en pleine figure, et qu’importe. Il s’en remettrait. Elle, sûrement pas. Elle s’interrompt, lui demande de partir, et lui la regarde, abasourdi, la joue en feu. Elle est surprise, surprise de voir ce dont elle est capable de faire. Presque réduire un garçon en néant ; en tout cas, elle avait su l’affronter et elle savait, maintenant, qu’il ne savait plus quoi dire. Du revers de la main, elle essuie ses larmes, ces larmes de haine qui coulent encore sans s’arrêter. Elle ne pleure pas vraiment à cause de lui, au fond. Mais à cause de tous ces gens qui croient pouvoir la maîtriser, la réduire au silence. Ses parents, les élèves de Beauxbâtons, Iann, et même Petronella, sa meilleure amie, celle qui la forçait à  devenir complice d’un crime qu’elle n’avait jamais voulu. Elle les détestait tous, ceux qui la regardaient comme une pauvre enfant, dont on avait facilement pitié. Elle les haïssait.

« Léa, tu ne comprends pas. » Elle hausse un sourcil. Parce que quoi ? Hein ? Elle n’est pas assez intelligente pour comprendre, elle n’est pas à la hauteur du garçon. Elle a envie de l’attaquer encore, de le mordre, presque, pour lui prouver qu’elle comprenait parfaitement son comportement hautain. C’est lui qui ne comprenait pas. Comme cet autre idiot d’Alistair, celui qui avançait les yeux fermés vers Petronella, sans comprendre que cette relation le ruinerait. Personne ne voulait écouter Léa, parce que personne ne la comprenait, elle. Personne ne se rendait compte qu’elle savait parfaitement comment le monde fonctionnait. « Tu dois me jurer de n’en parler à personne, tu m’entends ? Personne. Personne ne doit savoir. Tu n’as rien vu, je n’étais pas là. Si jamais tu le répètes à qui que ce soit… » Les mains en l’air, il s’approche d’elle, encore, et elle, elle recule, à nouveau. Elle ne flanche pas sous sa menace, cette fois, mais le regarde droit dans les yeux. Parce qu’elle refuse d’avoir peur. Il n’était personne, elle ne voulait pas avoir peur de lui. Elle refusait qu’on la menace comme une vulgaire enfant. « Laisse-moi. » répète-t-elle, obstinément. Elle lui ne jurera rien, elle n’est pas sous ses ordres. Elle ne supporte pas d’être considérée de cette manière. Il ne vaut pas mieux qu’elle, pas mieux qu’un autre. Elle n’a rien, rien à lui promettre. Elle se fiche complètement de savoir ce qu’il fiche là. De toute façon, elle n’aurait jamais rien dit – il ne faut pas oublier qu’elle se trouvait elle-même dans une situation interdite. Mais se voir forcer au silence, une nouvelle fois, la déstabiliser. Pourquoi tous les gens qui la croisaient se sentaient obligés de lui demander de se taire ? Comme si elle était ce genre de filles à parler en haut et à travers. Alors que, bon sang, regardez-la, regardez ses yeux apeurés, elle ne parle jamais. Jamais. Elle ne rêve que d’une chose : qu’on la laisse enfin tranquille, loin du monde et loin des autres.

« Dis-le. Tu n’as rien vu. » Il insiste, et elle continue de garder le silence. Elle sent ces larmes qui coulent encore sur son visage, alors qu’elle essaie d’arrêter ces pleurs inutiles, mais elle n’y parvient pas. Elle est énervée, en situation critique de stress. Et lui, lui continue de lui quémander sa parole, la promesse qu’elle ne parlera pas. « Promets-moi que tu vas effacer ce souvenir de ta mémoire, que tu vas rentrer au château en oubliant tout ça, que si jamais quelqu’un te demande où tu étais, tu inventeras une autre histoire. Une histoire plausible. Si tu me promets que je peux te faire confiance, alors je m’en vais, maintenant, et on n’en reparlera plus jamais. » Sa voix, son comportement s’adoucit, et elle comprend que ce n’est peut-être qu’une stratégie pour qu’elle abdique enfin. Qu’elle accepte de l’aider. De garder le silence. Il n’est qu’un idiot. Il ne voit décidément pas qu’elle est dans la même situation que lui. Elle aussi pourrait avoir des problèmes, et pourtant, elle ne le supplie pas – que dis-je – elle ne le force pas à garder le silence. Mais la possibilité de le voir partir lui plaisait. Enfin, il déguerpirait et la laisserait tranquille. Enfin, elle pourrait respirer librement, à nouveau. Son cœur la supplie de lui souffler un doux « d’accord », de se soumettre avec délicatesse, mais elle ne veut pas. Elle ne veut pas lui donner raison. « Je ne te promets rien. » Elle voit un rictus de colère se dessiner à nouveau sur son visage, et cette fois, elle reprend rapidement : « Je ne parlerai pas, parce que je n’ai pas envie que l’on sache que je me trouvais ici. » Elle détourne le regard, et finit par lâcher, entre ses dents : « Je ne le fais pas pour toi. » Elle le fait pour elle. Elle se fout de le protéger, elle ne veut même plus le voir. Trop de pression, pour le petit oiseau. Elle voudrait s’arrêter de pleurer, mais elle a le sentiment que tant qu’Iann continuera de la dévisager de cette manière, les larmes seront sa seule défense.
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MAJOR E LONGINQUO REVERENTIA
Iann Kermarrec
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MessageSujet: Re: « You don't know what love is till you love somebody. »   « You don't know what love is till you love somebody. » EmptyDim 30 Mar - 15:13

Ses yeux bleus plantés dans les siens, un air d’affrontement, un air farouche, elle lui dit qu’elle ne va pas se laisser faire, qu’il ne va pas la contrôler aussi facilement et pourtant, pourtant !, dans le même temps elle recule à mesure qu’il avance, elle lui laisse reprendre l’avantage et sa demande, toujours la même, tombe dans l’oreille d’un sourd. Non. Il ne la laissera pas tranquille tant qu’elle ne lui aura pas prouvé qu’elle est digne de confiance, même si les larmes qui coulent sur ses joues sont en train de le bouffer tout cru, lui et ses menaces de pacotille.

Et il n’avait définitivement pas vu venir le fait que cette gamine soit aussi butée que lui.
- Je ne te promets rien, dit-elle. Un bref instant, tout son esprit vacille pendant que la sale impression de s’écraser contre un mur l’enveloppe tout entier. Il veut répliquer, lui balancer à nouveau quelques menaces minables à mots couverts mais elle ne lui en laisse pas le temps, dieu merci.
- Je ne parlerai pas, parce que je n’ai pas envie que l’on sache que je me trouvais ici.
(Oui, qu’est-ce qu’elle fait ici, d’ailleurs ? Elle a bien esquivée sa question mais il y reviendra plus tard, soyez-en certains.) Ça doit être la première fois qu’il l’entend dire plus de cinq mots d’affilée. Passée cette surprise, la signification de cette phrase amène un peu de lumière dans son cerveau et, s’il ne se met pas à sourire, il laisse échapper un souffle, un souffle de soulagement qui veut dire bien plus. Il n’avait pas encore évalué ce côté de l’histoire, il n’avait pas compris ou peut-être simplement oublié que Léa était une fille qui suivait les règlements. A force de ne plus fréquenter ces filles-là, il en avait oublié jusqu’à leur existence. Alors… alors tout s’arrangeait pour lui, finalement ?
- Je ne le fais pas pour toi. Bon, certes, elle prenait soin d’écraser sa joie au passage mais au point où ils en étaient, il pouvait largement s’en accommoder et prétendre que cette pique ne l’atteignait pas. Prétendre que. Iann était passé maître de l’art.
- Bien. Si jamais tu changes d’avis, ce sera ta parole contre la…
- J’arrive, j’arrive, j’ai simplement laissé les clés à l’intérieur !



Ce qui devait être sa dernière phrase, un brin dramatique, est amputée de sa fin par un ronchonnement d’homme, un des nombreux écuyers de l’école visiblement, puis par les pas de ce même écuyer à l’intérieur des écuries. Pas qui avancent dangereusement dans leur direction. Sans réfléchir – et croyez-moi, il se maudira une centaine de fois pour avoir eu ce réflexe stupide – Iann sort la cape d’invisibilité de son sac et la lance sur leur deux têtes tout en poussant Léa contre le box et en s’assurant de son silence grâce à une main plaquée sur sa bouche. Il n’est plus question de bouger à présent, ni de parler, ni d’esquisser le moindre mouvement tant que l’écuyer n’aura pas pris ses clés. Ils sont coincés sous la cape. Léa, à nouveau, est devenue complice.

Pour avoir traîné dans les écuries plus que de raison, Iann sait que les clés se trouvent derrière le placard de rangement situé au milieu du hangar ; ce qui signifie que l’écuyer va devoir marcher devant une première rangée de box, passer devant leurs deux corps invisibles, récupérer son trousseau, repasser devant eux puis marcher dans l’autre sens avant de ressortir – les enfermant sûrement à clés au passage mais, ça, ils s’en chargeront plus tard. Bien. Bien. Ne paniquons pas. L’écuyer mettra au moins trois bonnes minutes au rythme où il est parti et… Iann commence à avoir le dangereux pressentiment que Léa ne tiendra pas jusque-là. Merde. C’est bien le dernier de ses soucis. Il s’apprête à lui lancer un regard noir, lui intimer silencieusement de se tenir, de se taire, de ne surtout pas faire de bruit tandis que l’écuyer se rapproche toujours plus près d’eux mais une larme a coulé sur sa main et ce détail lui souffle qu’il s’y prend à l’envers. Sa peur à lui s’est envolée. Depuis qu’il a compris que son secret est à l’abri, rien ne peut plus l’inquiéter, pas même les pas d’un écuyer s’approchant d’eux, écuyer qui a tout à fait le pouvoir de les dénoncer. Léa, en revanche, reste une variable qu’il ne contrôle pas, qu’il n’arrive pas à contrôler et qui continue de le regarder avec ce regard mi-terrorisé, mi-furieux, complètement larmoyant, qui fait remonter toute sa culpabilité – en même temps que quelques papillons égarés, complètement hors-sujet, qu’est-ce que vous foutez-là, dégagez, dégagez, dégagez, ce n’est pas le moment enfin !
Désormais certain qu’elle a saisi l’enjeu de la situation – ou du moins aussi certain qu’il peut l’être après avoir croisé et recroisé son regard, comment voulez-vous en être sûr sans rien formuler… – Iann retire sa main et tente de compenser l’angoisse des pas qui se rapprochent en venant essuyer les larmes de Léa du bout des doigts. Une joue, puis l’autre. Toujours plus proches, les bottes couinent. Iann veut la rassurer, la rassurer du mieux qu’il peut, s’excuser, se faire pardonner de l’avoir entraînée dans un tel pétrin mais comment faire tout ça sans rien pouvoir lui dire ? Il ne peut que la supplier des yeux, remettre doucement une mèche de cheveux derrière son oreille, caresser sa joue, la forcer à le regarder pour oublier la présence de l’écuyer, relever son menton, glisser ses mains dans son cou, fais-moi confiance Léa, fais-moi confiance sur ce coup-là, je t’en supplie. Il sent qu’elle s’agite, ou bien est-ce peut-être lui qui ne tient pas en place sous cette cape car les pas sont à côté à présent, d’une seconde à l’autre l’écuyer va se matérialiser devant eux, ou plutôt devant Léa puisque Iann lui tournera le dos, ils devront retenir leur souffle, faire comme s’ils n’étaient pas là, attendre, attendre quelques longues minutes avant que l’homme ne disparaisse de leur vue et les libère de la cape qui les enferme dans une boite invisible. Trop de tension, trop de nervosité, Iann bascule tout à coup en mode automatique, c’est-à-dire en mode « réflexes complètement idiots » et à défaut de s’assurer d’un silence complet de la part de leurs deux personnes – soyons réalistes, ce n’est pas possible – il juge que la solution la plus évidente, celle qui lui hurle à l’oreille depuis qu’ils sont sous la cape, est de se rapprocher encore plus de Léa et de poser lentement, sans bruit, ses lèvres contre les siennes. Tout simplement. Là, au moins, plus personne ne se souciera de l’écuyer qui passera dans leur dos. Et Léa arrêtera de pleurer. Et elle ne pourra plus le gifler. Non, vraiment, c’est la meilleure solution pour tout le monde, même pour ces salopes de sauterelles qui bondissent quelque part dans son ventre (région sud, principalement)… N’est-ce pas ?
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Léa Covilliers
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MessageSujet: Re: « You don't know what love is till you love somebody. »   « You don't know what love is till you love somebody. » EmptyMar 8 Avr - 15:18

Les poings serrés, le regard ferme et froid, elle se sent capable. Capable de lui tenir tête, jusqu’au bout. Jusqu’à ce qu’il parte et la laisse enfin tranquille. Non, non, elle ne faisait pas ça pour lui. Loin de là. Pour la première fois dans sa vie, peut-être, Léa faisait enfin quelque chose pour elle. Elle cherchait à se protéger. C’était peut-être idiot, ou égoïste, mais elle s’en fichait complètement. Elle en avait marre de faire ce que les autres attendaient d’elle. Elle était fatiguée, lasse ; elle s’en était à peine rendue compte ces dernières années, et voilà que, face à Iann, toute cette lassitude retombait sur ses épaules. Elle continue d’avoir peur, certes, car malheureusement, ce sentiment ne la quittera pas aussi rapidement qu’elle l’aurait voulu. La peur est omniprésente, chez elle. Chaque jour, elle se réveille la boule au ventre et chaque soir, elle se couche avec ce même mal. Ce mal qui la bouffe et la ronge de l’intérieur. Léa est faible, peut-être, mais à chaque seconde qui passait, à chaque seconde de plus, elle se sentait un peu plus forte. Le garçon ne savait probablement pas ce qu’il provoquait en elle. De la colère. Principalement. Il prendrait peut-être tout en plein visage, mais qu’importe. Qu’importe.

Il soupire de soulagement quand, entre ses dents, elle accepte de ne pas dévoiler la présence de garçon dans les écuries. Il l’agace à nouveau quand il lui semble être de bon goût de recommencer les menaces idiotes : « Bien. Si jamais tu changes d’avis, ce sera ta parole contre la… » Il ferait mieux de se taire, songe-t-elle. Mais ni lui ni elle n’eurent le temps de continuer cette phrase, car une autre voix s’élevait près d’eux. « J’arrive, j’arrive, j’ai simplement laissé les clés à l’intérieur ! » Le corps frêle de Léa se tend. Instantanément. Car elle comprend, vite, très vite, qu’ils ne sont plus seuls et que quelqu’un va probablement venir à l’endroit même où ils se trouvent. Et les voir. Et les ramener à l’école. Elle imagine le pire, dans sa petite tête. Déjà, les mots punition et même renvoi défilent devant ses yeux. Elle panique, a envie d’hurler, mais elle se retient, car elle sait qu’un bruit de plus ne ferait que leur attirer des ennuis. Iann lui réagit encore plus vite qu’elle, surtout lorsqu’il entend, comme, les bruits de pas avançant dans leur direction. Rapidement, elle le voit attraper sa cape d’invisibilité et la balancer sur leurs deux corps. Il pose une main sur sa bouche et la fait reculer contre le box. Elle ouvre des yeux grands écarquillés, fronce les sourcils, essaie de se débattre, de l’éloigner d’elle mais elle n’y parvient pas ; il est bien plus fort, plus tenace qu’elle. Elle se tortille, essaie de lui mordiller la main. En vain. Lui ne bouge pas, mais elle sent son agacement, et elle sait, elle devine qu’il finira par la gronder, par lui faire mal, lui faire peur. Alors, une fois de plus, parce qu’il semble que c’est devenu une habitude, elle se met à pleurer. Elle se déteste, se hait. Elle est faible, elle n’est qu’une pauvre enfant, apeurée par une situation qui lui échappe, par un garçon qui ne se tient qu’à quelques centimètres d’elle. Elle peut sentir son odeur, lui évoquant la verdure des forêts, de la menthe, une odeur lointaine de sueur, rappelant à Léa qu’il avait couru pour arriver ici. Une odeur qu’elle se surprend à trouver agréable. Et alors qu’une de ses larmes tombe sur la main du garçon et qu’il se tourne vers elle, elle sent son souffle sur sa peau. Elle frissonne, très légèrement, et espère qu’il ne remarquera rien. Car, elle se sent un peu idiote. Il n’était finalement qu’un garçon un peu orgueilleux ; jamais n’aurait-elle imaginé trouver l’odeur de sa peau presqu’enivrante.

Un mélange de sentiments s’empare de l’esprit de la petite hirondelle. De la peur, encore, de la colère, contre lui, lui qui l’avait mise dans cette situation étrange et contre elle-même, elle qui ne savait même pas se tenir correctement face à une personne de la gente masculine. Et puis, et puis, ce quelque chose qui lui serre l’estomac quand il pose son regard sur elle. Pas cette même boule au ventre qui la bouffe ; celle qui est synonyme de sa peur. Non, non, autre chose. Quelque chose d’étrange. Quelque chose qu’elle ne peut pas définir ou nommer. Une sensation agréable et désagréable à la fois. Et alors, soudainement, les mots de sa meilleure amie lui revienne à l’esprit. Ceux qu’elle lui avait dits en parlant de Ragnar, celui qu’elle aimait. « Tu verras, toi aussi, le jour où tu rencontreras quelqu’un qui te bouleversera. Tu sentiras ce papillonnement au creux de ton ventre. Et ce sera ton signal, Léa, ce sera le signe. Tu verras, et tu comprendras. » Elle ferme les yeux, parce qu’elle veut oublier ces mots qui, à présent, se répètent en boucle. Lui semble enfin comprendre qu’elle gardera le silence : il retire sa main, et elle peut à nouveau respirer librement quand soudain, ses doigts se posent sur sa joue pour essuyer les larmes qui s’y trouvent. Léa ouvre les yeux, surprise. Il recommence la même chose de l’autre côté, avant de glisser l’une de ses mèches blondes derrière son oreille. Elle en a le souffle coupé. Elle devrait se défaire, le repousser et lui interdire de la toucher, mais elle ne peut pas ; elle ne peut pas car elle trouve cela presque agréable. Il caresse sa joue, et elle ferme les yeux, respire lentement. Lui, pourtant, lui relève le menton, comme s’il voulait absolument qu’elle le regarde. Alors son regard glacial plonge dans le regard sombre du garçon. Il s’approche encore un peu plus d’elle ; elle tente de se reculer, mais ne peut pas, elle est d’ores et déjà collée au box. Elle ne comprend pas ce qu’il veut, jusqu’à ce que ses mains viennent se plonger dans son cou. Les battements de son cœur s’accélèrent quand, soudain, comme dans un rêve impossible, les lèvres du garçon se posent sur celles du petit oiseau. Les bras ballants le long du corps, elle garde des yeux ouverts, incrédules, elle ne comprend pas, elle ne comprend plus rien. Elle ne remarque que les papillons dans ce ventre qui s’activent encore plus. Mais elle parvient à se reculer, à se détacher, à quitter ses lèvres. Elle le regarde, essaie de distinguer ce qui se cache derrière son regard. Et puis, elle se rend compte qu’elle ne veut plus essayer de comprendre les moindres faits et gestes des gens. Cette fois-ci, c’est elle qui l’attire à lui, elle se passe la langue sur ses lèvres, pose ses deux mains sur les joues du jeune homme, et à nouveau, pose ses lèvres sur les siennes. Et cette fois, elle ferme les yeux. Elle ne sait pas vraiment à quoi devrait ressembler un premier baiser et pourtant, c’est elle qui mène la danse. Ses lèvres s’ouvrent lentement, sa langue cherche celle d’Iann. Elle n’a jamais, jamais embrassé quelqu’un, pas de cette manière. Elle en avait eu peur. Peur d’imaginer ce premier baiser. Mais là, là, elle oubliait tout, elle devinait, elle se laissait guider par son instinct. Ses mains descendent jusqu’au torse d’Iann, elle s’accroche à sa chemise, se colle encore un peu plus à lui jusqu’à ce qu’elle puisse sentir les battements de son cœur contre sa poitrine. Elle se recule, quelques secondes, mordille la lèvre du jeune homme, reprend sa respiration avant de l’embrasser à nouveau, à pleine bouche. Elle ne sait pas quoi penser, elle ne sait pas ce qu’il pense mais elle s’en fiche. Parce qu’elle apprécie le moment, parce qu’elle aime l’embrasser. Lui, lui, ce garçon qui lui avait à peine adressé la parole avant ce jour-ci, celui qui venait de la menacer, de lui faire peur et de la faire pleurer. Le voilà qu’elle l’embrassait, avec passion, avec vigueur. Elle ne veut jamais s’arrêter, mais la voix de l’homme les interrompt, malgré elle. « C’est bon, je les ai, j’arrive. » Il est là, tout près d’eux. Il semble qu’il soit déjà passé par là quelques secondes plus tôt et Léa se rend compte qu’elle n’a rien remarqué. Elle se raidit un peu, attendant que l’homme déguerpisse. Encore quelques longues secondes de silence. Quand elle n’entend plus ses pas et qu’elle est alors sûre qu’il soit loin, elle porte son regard sur Iann, lui qui continue de la regarder depuis le début. Elle rougit violemment, bégaye. « Je… Je. Désolée. » Et alors qu’elle aurait dû enlever la cape et s’enfuir loin, très loin, elle ne bouge pas d’un cil. Elle ne sait pas ce qu’il compte faire. Se moquer d’elle, et la laisser là en plan, sûrement. Alors, elle évite son regard, essaie d’oublier ce qui vient de se passer et refuse d’admettre qu’elle n’a jamais vécu un moment aussi heureux et étrange dans sa vie.

« Souviens-toi qui tu es, d'où tu viens, où tu vas, quelque soit le chemin sous tes pas, de choisir l'amour quand il viendra. »
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Iann Kermarrec
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MessageSujet: Re: « You don't know what love is till you love somebody. »   « You don't know what love is till you love somebody. » EmptyLun 9 Juin - 0:49


Elle le repousse, bien sûr, il s’y attendait à moitié. Non seulement son action n’a aucun sens, mais en plus elle prend Léa complètement par surprise. Lui-même devrait d’ailleurs s’étonner de se jeter à son cou de cette façon, mais ça semblait être une bonne idée la minute d’avant et avec un peu de recul, il est quasiment certain qu’il ne regrettera pas le moins du monde cette initiative dans les jours ou semaines qui suivront. C’était logique et, bonus non négligeable, pas déplaisant. Il semblerait même que Léa ait arrêté de pleurer. Ou bien… non ? Impossible pour lui de déchiffrer son regard à cet instant précis. Il a d’ailleurs à peine le temps de reprendre ses distances, ses esprits ou sa respiration, ni même de porter attention au pas de l’écuyer, que Léa se rapproche à nouveau et en lieu et place de la gifle à laquelle il s’attendait, prend délicatement son visage entre ses mains et lui rend ce baiser auquel elle avait à peine répondu quelques secondes plus tôt.

Il voudrait presque lui dire d’arrêter, voyons, l’employé allait forcément se rendre compte de quelque chose, de ces mouvements à quelques pas de lui seulement… mais une demi-seconde plus tard ses priorités ont repris le droit chemin, il se fout de l’écuyer, il se fout de la cape, il se fout des retenues et de son sweatshirt qui dégouline de pluie, il se fout de Cyrielle qui lui fait la gueule depuis des semaines pour une raison qu’il ignore et qu’il n’a même pas envie de connaître – probablement pas étrangère au fait qu’il n’hésite pas à embrasser des semi-inconnues dans des cas de (non) force majeure – parce que Léa est là, devant lui, et l’attire contre elle avec tellement de fougue qu’elle dégomme toutes ses résistances d’un seul coup. Iann et cette attitude infiniment blasée qu’il affectionnait ces temps-ci semblent tout à coup prendre un virage à 180 degrés pour atterrir dans un nouveau monde, un monde tout à fait inconnu car réservé aux idiots finis ou aux gens heureux – catégories dont il ne faisait définitivement pas partie – un monde délirant et enchanté où le mot clé est : émerveillement. La surprise fusionne avec quelque chose proche du ravissement avant de grandir puis de se démultiplier à mesure que Léa devient plus audacieuse. Elle lui transmet en un clin d’œil ce qu’il appellera plus tard la « passion du désespoir », cette urgence complètement folle qui rend leurs gestes fébriles et leurs lèvres avides, sans explication, sans besoin d’explication. Les mains de Léa s’accrochent à lui pendant que les siennes ont quartier libre. Son cou, ses cheveux, sa taille, sa jupe… Elle s’écarte quelques secondes avant de se pencher à nouveau et, cette fois ci, il n’y a plus de surprise, il n’y a plus un semblant de résistance, le troisième baiser n’est plus déclenché par l’un ou par l’autre, 1-1, balle au centre, ce troisième baiser est celui qui va tout foutre en l’air parce qu’il est consenti à 300%. Electrisant, grisant, c’est aussi celui qui colle Léa contre le box en bois pour mieux promener des baisers sur sa peau et celui qui ne se préoccupe plus un seul instant de l’employé qui gambade gaiment autour d’eux. Les mains d’Iann s’apprêtent à chercher un chemin sous le chemisier de Léa lorsque la voix de l’écuyer les sort de force de leur monde merveilleux.

- C’est bon, je les ai, j’arrive.
Ils s’immobilisent, encore à moitié enlacés sous la cape. Le temps qu’il met à sortir des écuries parait totalement disproportionné par rapport au temps infini qu’il avait mis pour venir jusqu’à eux. En un éclair, l’écuyer est hors champ et le silence retombe, les laissant là à se dévisager, Léa l’air profondément confus et Ian tout à fait perplexe – comment avait-il pu oublier la présence de l’écuyer ? Comment, comment, comment était-ce possible ?! Il aurait au moins dû détecter sa présence quand il était passé à côté d’eux… deux fois !

- Je… Je. Désolée.
Léa a baissé les yeux et il se rend compte qu’il est reparti sur la mauvaise onde. La porte s’est refermée, il fait davantage sombre désormais ou peut-être est-ce une illusion d’optique avec la cape qu’il n’avait jamais remarquée jusque-là, peut-être un effet de son imagination qui s’emballe devant les yeux brillants de Léa ; mais le bruit de la porte qui retombe sur ses gonds le fait légèrement tiquer, sa main est toujours accrochée aux boutons du chemisier de Léa, reconcentre-toi mon grand, tu n’es pas là pour ça, ce n’est pas en l’emmenant dans une botte de foin que tu t’assureras de son silence… quoique… ça vaudrait peut-être le coup d’essayer ? Ses joues rosies par la gêne le font sourire, mais d’un sourire déjà passé, nostalgique, il passe l’autre main dans ses longs cheveux clairs, une nouvelle fois, une énième fois, s’apprête à défaire un bouton rien que pour voir sa réaction – horrifiée, impassible, peureuse, vas-y-défait-le-reste-aussi ? – puis sent qu’il est allé trop loin quand il rencontre ses yeux encore rougis par les larmes. Il avait oublié le temps de quelques minutes les conditions de tout ce bordel, les menaces, la cape, le baiser, il avait oublié qu’il n’était pas de taille à approcher Léa autrement que pour la menacer, oublié qu’il ne se sentait pas le courage de la briser en mille morceaux. Il la pensait faible cinq minutes plus tôt, indigne de confiance et incapable de garder un secret qu’il n’aurait jamais dévoilé à personne, et malgré tout ce qu’il avait découvert lorsqu’ils s’étaient rendus invisibles du reste du monde, ou du moins ce qu’il pensait avoir découvert, rien n’avait changé. Il restait la brute sans gêne, elle restait la fleur fragile. Point.

Il arrache la cape brusquement, comme pour se forcer à retourner à la réalité, sans pitié pour leurs cheveux qui étaient de toute façon décoiffés depuis un moment. Et vacille deux secondes en constatant qu’elle garde un charme fou, avec ses yeux rouges et ses cheveux emmêlés. Raison pour laquelle un processus d’autodestruction s’enclenche sur le champ, visant à écraser tout morceau de souvenir de leur folie passagère qui ne se serait pas déjà évaporé.

- Désolée de quoi ?
Il s’écarte de quelques pas, s’applique à plier sa cape pour la ranger dans le sac à ses pieds, une nouvelle fois, tout en ne quittant pas Léa des yeux. Il y a trop d’informations à traiter et pas assez de place sous son crâne engourdi. Il ne connait que la méthode habituelle, à savoir : tout ignorer.
- Le plan a marché, il ne nous a pas vus, personne n’a paniqué… Pas de quoi être désolée pour ça. Insister sur ce dernier mot fait déjà sonner l’alarme « sale petit con » quelque part dans sa tête. Mais c’est plus fort que lui, il faut qu’il continue, les soucis de logistiques paraissent plus acceptables à traiter dans l’immédiat qu’une analyse de ses propres sentiments sur le grand bordel qui vient de retourner son cerveau. Le seul problème, maintenant… c’est qu’on va devoir trouver une autre sortie. Ce troll nous a enfermés. Des suggestions ? Balançant son sac sur son épaule, Iann semble avoir retrouvé une maîtrise parfaite, bien que douloureusement conscient des efforts qu’il devra faire pour reléguer cet « incident » au fin fond de ses souvenirs. Mais s’il reste à une distance de sécurité de quelques mètres, tout devrait bien se passer. Tout devrait bien se passer.
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