Thaïs avait longtemps été une jeune fille influençable. Quelques phrases bien prononcées et quelques mots bien placés suffisaient pour lui faire changer d'avis ou bien pour se lancer dans un jeu effréné auquel elle ne prêtait auparavant aucun intérêt. Si aujourd'hui la jeune femme avait ses propres convictions et se laissait moins surprendre par les mots délicats des moins intentionnés, certaines personnes possédaient encore une once de ce pouvoir d'attraction sur l'esprit de la jeune Desjardins. Parmi ces personnes se trouvait sa sœur aînée, modèle de sa cadette durant de longues années même si ces dernières années un fossé grandissant s'établissait entre les deux sœurs. Et aujourd'hui encore, Omphale était parvenue, après des arguments chocs, à emmener Thaïs à travers une aventure qui allait s'avérer plutôt dangereuse pour les deux sœurs. La Fontaine de Jouvence était un sujet connu de la brune pour la simple raison qu'il s'agissait d'un sujet récurent dans la poésie. Thaïs étant une grande amatrice de ce genre littéraire, elle avait passé des nuits entières à lire les obsessions parfois gênantes de certains sorciers pour cette source mythique de jeunesse éternelle. Mais jamais elle ne s'était intéressé plus que cela à la fontaine, ne voulant pas perdre sa vie à courir derrière un mythe et finir par mourir en ayant gâcher ses précieuses années. Mais cette façon de penser n'était pas la même pour tous et Omphale avait lu Merlin sait où quelque chose à propos de cette fontaine. Et voilà que, quelques jours avant la fin des congés d'été, les deux filles aînées Desjardins se retrouvaient à l'orée de la forêt de Brocéliande, entourées d'autres sorciers dont quelques visages familiers. Enroulé dans un cape légère, un carnet de feuilles, une plume et un petit encrier dans la poche intérieure de sa robe, Thaïs laissa dériver son regard sur les arbres qui lui faisaient face, son cœur se mettant à battre la chamade sous les tissus. Un mélange d'appréhension et d'excitation s'empara d'elle et elle se pencha vers l'oreille de sa sœur qui observait elle aussi les alentours. « On ferait peut-être mieux d'avancer non ? Je ne pense pas que rester ici serve à grand-chose » Sa sœur aînée acquiesça et la jeune brune fit un pas en avant en direction de la noirceur des bois, Omphale à ses côtés. Pas un bruit ne venait briser le silence de la forêt hormis les conversations des sorciers présents et les Desjardins s'enfoncèrent progressivement à travers cet univers magique et mythique qu'était la forêt. Au bout de quelques minutes de marche sans réussir à différencier es arbres, la cadette se tourna vers son aînée. « Tu sais par où il faut aller ? Un indice, une indication ? Parce que personnellement pour moi tout se ressemble ici » Ajoutant le geste à la parole, elle ouvrit les bras en grand pour montrer les arbres alentours, son regard plongé dans celui d'Omphale. Bientôt les deux sœurs reprirent leur route et semblèrent tourner en rond pendant de longues minutes, voire de longues heures. Les pieds de la cadette commençaient à lui faire mal et la soif à se faire persistante, les premières plaintes commencèrent alors à franchir ses lèvres tandis qu'elle perdait espoir de voir un jour cette foutue fontaine. « Encore un fois une mauvaise blague, de toute façon cette fontaine on la trouvera jamais, ça sert à rien de continuer. » Elle se retint d'ajouter « rentrons » puisqu'elle savait qu'Omphale prenait vraiment cette journée à cœur mais l'envie était bel et bien présente dans l'esprit de la cadette. Mais, lorsque tout espoir semblait perdu aux yeux de la jeune Saphiroy, un cri d'exclamation à ses côtés la fit se retourner, et se retrouver face à une petite clairière au milieu de laquelle trônait une fontaine. La douleur et la fatigue quittèrent immédiatement le corps et l'esprit de la demoiselle qui resta bouche bée devant la construction. Jamais auparavant elle n'avait vu quelque chose de tel, et elle reste immobile quelques secondes avant de voir du mouvement près de ladite fontaine. Les Desjardins ne semblaient pas être les seules à êtres arrivées jusqu'ici. « Hey vous ! » Les mots s'élevèrent dans la forêt tandis que Thaïs avançait déjà d'un pas assuré en direction de la fontaine. Elle n'avait pas fait tout ce chemin pour se faire couper l'herbe sous le pied.

La fontaine de jouvence. L’élixir de longue vie. Était-ce pour connaître la jeunesse éternelle que je foulais le sol de cette forêt ? Peut-être, ou sûrement n'était-ce qu'un plus, qu'un bonus à ce qui était ma réelle motivation. Une rumeur, simple rumeur et pourtant, chacun se plaisait à y croire. Chacun oui, car moi aussi. Sûrement certains en lisant l'article de presse dans lequel cette fontaine miracle était décrite avaient dû penser l'auteur fou et une part de moi s'alliait à leurs songes, mais mon ambition, ma soif de pouvoir avait rapidement contrer cet part volatile de mon esprit. Car ce que je recherchais n'était pas une apparence physique à jamais inchangée, ni même l'espoir de vivre ses siècles sur cette Terre. Non, ce que je souhaitais, c'était simplement trouver cette fontaine. La trouver, et qu'ainsi mon nom soit connu de tous. Que je sois connu de tous comme étant celle qui succéda à Merlin, celle qui fut guidée par ce mage lui-même, ou quelconque entité supérieure vers l'objet tant convoité. Bien-sûr, mon nom était déjà connu de tous et resterait gravé dans l'histoire à jamais, mais avoir une place au sommet n'était pas suffisant pour la princesse du sang de France que j'étais. Non, je voulais noircir davantage les pages d'ouvrages à mon sujet, je voulais associer maintes réussites à ce nom déjà célèbre. La gloire, le respect. Voilà ce que je cherchais.

Confiante, je l'étais. A vrai dire, je faisais partit de ces gens qui ne doutaient jamais. Et sûrement était-ce la meilleure de mes qualités, celle que tout un chacun pouvait déceler ne serait-ce qu'en fixant mes pupilles, qu'en détaillant ma démarche. De toute manière, à quoi bon douter ? Avais-je seulement une seule raison de me dénigrer ? Définitivement pas. Et maudit seront, ou ont été ceux qui imaginaient le contraire. Mais sûrement peu nombreux étaient-ils, car en me voyant on ne pouvait douter. Non, tout le monde me connaissait, savait que rien ne me résistait. D'ailleurs, sûrement si quelqu'un me voyait ici, cette personne ferait demi-tour. Car à quoi bon se confronter à Églantine Leblois ? A quoi bon se forger de faux espoirs, lorsqu'on sait que face à soit se tient un adversaire impitoyable. Rien. Ainsi c'est le sourire aux lèvres que j'avançais, laissant mes pas me guider, levant parfois les yeux au ciel comme pour y voir un indice, détaillant chaque arbre pour y trouver un réponse. Rien. Non, il n'y avait rien et pourtant, aucune envie d'abandon ne me hantait. Convaincue, obstinée et pourtant, je sursautais, lâchant légèrement le bas de ma robe, la laissant ainsi toucher le sol le temps que mes pupilles trouvent le faciès de la personne qui m'avait interpellée. Ou plutôt, qui avait osé s'adresser à moi d'une façon si prompte, si indélicate et outrageuse que je ne daignerais laisser couler. De gauche à droite, je laissais alors mon regard se perdre et pas seulement une, mais plutôt deux choses l'attirèrent. A gauche, une fontaine, peut-être la fontaine se dressait à quelques mètres de moi. A droite, une fille dont je commençais à détailler les traits du visage à mesure qu'elle s'approchait de moi. Ou plutôt à mesure que ses pas la conduisaient vers l'édifice. « Je vous prierais d'user du protocole lorsque vous vous adressez à moi. » Soufflais-je alors qu'elle n'était plus qu'à quelques mètres. Son faciès me disait quelque chose et pourtant, je n'arrivais à mettre un nom dessus. Toutefois, c'est en sa compagnie que je me rapprochais à présent de ce pourquoi j'étais là. Et aussi sûrement de ce pourquoi ces deux filles étaient là..