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 CESSEZ-LE-FEU.

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MAJOR E LONGINQUO REVERENTIA
Iann Kermarrec
Iann Kermarrec
◗ HIBOUX : 224 ◗ REVELATEUR : CESSEZ-LE-FEU. I41g12
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MessageSujet: CESSEZ-LE-FEU.   CESSEZ-LE-FEU. EmptySam 9 Nov - 20:53



Folie passagère. Il traversait à grands pas l’étage des maladies surnaturelles, celui qu’il commençait à connaître par cœur, celui où il récoltait en douce depuis plusieurs jours les souvenirs d’un patient ayant raté sa communication avec l’au-delà, non sans mal. Le malade était encore bourré d’un mélange d’essence de mandragore et de mauve douce censé le ramener à la raison, mais qui le faisait planer à vingt mille lieues dans les airs. Son aura délirante aurait presque contaminé Iann tant elle était puissante.

C’était encore les vacances, au milieu du mois d’août, sa dernière rentrée approchant à vitesse grand V le rendant étrangement euphorique. Son été s’articulait autour de deux constantes : le journal, le Griffon Délivré, qui lui offrait de plus en plus de responsabilités, et le vin à la pimentine. Martel, son rédacteur en chef, lui avait clairement fait comprendre qu’un poste fixe l’attendait à sa sortie de Beauxbâtons (« Ce qui ne te dispense pas de décrocher ton diplôme, je tiens à préciser… » avait-il ajouté devant le sourire ravi de son apprenti), et qu’il avait tout intérêt à garder des contacts avec ceux qui devraient y rester une année de plus. Ou deux. Ou trois. Vous comprenez le principe. Si Iann était actuellement les « oreilles » du journal à l’intérieur de l’Académie, il lui fallait trouver quelqu’un, un remplaçant, une personne de confiance, une source d’informations vitales ou secondaires qui assurerait la continuité. Sa succession, en quelque sorte. Non pas qu’il ait pensé à Elysée en la croisant pour la quatrième fois cette semaine-là dans les couloirs de l’hôpital, mais disons que l’idée avait germé et qu’il était prêt à exploiter tout ce qui était à sa portée. Enfin, exploiter…  

Iann se sentait flotter. En parcourant les couloirs vides, il avait piqué deux tasses dans une salle restée ouverte – salle de repos pour le personnel, probablement, mais il n’y avait pas qu’eux qui avaient besoin de repos et de café. Et puis, personne ne l’avait vu… – avant de venir s’installer sur les fauteuils au fond du couloir, loin, très loin, tout au bout du service des maladies spirituelles. Eclatant la bulle de silence, de méditation, d’ennui peut-être, de cette chère Elysée.  

Comme tous les étés depuis qu’il avait été jugé assez grand pour prendre un Portoloin par ses propres moyens, il travaillait sans compter, se plongeant littéralement dans des piles de parchemins, absorbé par une actualité qui n’intéressait que lui – et Martel, de temps à autre, heureusement. Voilà pourquoi il avait la dégaine d’un épouvantail, n’ayant plus eu les yeux en face des trous depuis quelques jours déjà – que dis-je, des semaines ! –, ne carburant qu’au café plus noir que noir et au vin de sureau, la cravate au moins aussi droite que celle du président moldu et les cheveux paraissant revenir d’une tempête. Electrique. A côté d’Elysée, son port de princesse et ses cheveux brillants, il avait l’air d’un brouillon jeté en boule par terre puis repêché au dernier moment. Froissé. Mais parfaitement réveillé. Pas assez cependant pour se souvenir de la base des convenances, qui dans ce cas pourrait simplement se résumer à de la politesse – un bonjour, un sourire, un vague mouvement de la tête peut-être. A la place, il lui tendit une des deux tasses avec insistance, lui mit presque dans les mains, comme pour forcer l’armistice de leur guerre qui n’avait jamais été ouverte.

- Le roi serait-il malade, pour que tu campes devant cette chambre depuis une semaine ?
Léger sourire de travers qui se transforma en grimace une fois le café goûté. Ça manquait autant d’arôme que de tact mais il n’avait pas pu s’en empêcher : c’était toujours un plaisir que de discuter de Sa Majesté avec des royalistes notoires.
- Non, bien sûr, j’oubliais, le roi est en pleine forme, il a même ajouté un nouvel Hanois à son écurie personnelle d’après Ma-Sorcière-Bien-Aimée. J’espère que tu ne lis pas ce torchon, Elysée, parce que je sais de source sûre que ce n’est pas un Hanois, mais un Ethonan acheté chez nos amis Irlandais – et à un prix tout à fait différent, tu imagines bien. Les caisses de Sa Majesté n’ont pas de fond, visiblement.

Sur cette dernière phrase, son regard se posa sur la plante rabougrie qui leur faisait face, unique décoration de tout le couloir, symbole retentissant de cette monarchie qui s’effritait. Voilà pour une introduction toute en douceur, qui ne réveillait pas du tout – mais alors pas du tout – les conflits qu’ils avaient pourtant pris soin d’écraser dans l’œuf. Et pourtant, Iann était là. A côté d’Elysée. Ironisant tranquillement, assis sur un fauteuil inconfortable au bout d’un couloir de Lablanche comme si c’était la chose la plus naturelle au monde, et évitant du même coup de réfléchir à la question qu’elle ne tarderait pas à lui poser : qu’est-ce qu’il foutait là, au juste ?
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MAJOR E LONGINQUO REVERENTIA
Elysée L. Berthelot
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MessageSujet: Re: CESSEZ-LE-FEU.   CESSEZ-LE-FEU. EmptyMar 12 Nov - 13:16

Passer ses journées à l’hôpital. Qui pouvait rêver mieux pour un été ? Je n’avais plus d’autres occupations. A vrai dire, je n’avais plus rien envie de rien faire. Je me sentais seule, et ce sentiment était bien étrange pour quelqu’un comme moi. Je passais mes journées ici. Infiniment. La routine s’était très vite installée, depuis la semaine dernière. J’arrivais à l’hôpital après le déjeuner, je rentrais dans la chambre de ma grande tante, ressortais quand il était l’heure de ses soins quotidiens, puis rentrais à nouveau. Je ne repartais chez moi que vers dix-sept heures. Quelle vie intéressante pour une Berthelot. Mais mon père m’avait demandé de veiller sur sa tante – il était trop occupé par son travail pour le faire lui-même. J’avais accepté, n’ayant absolument rien de mieux à faire. Le silence de Dorian me détruisait, et à part lui, je ne voulais voir personne.

Je m’ennuyais. Cette tante ne faisait que dormir, et quand elle était réveillée, elle me forçait à lui lire les nouvelles de Ma-sorcière-bien-aimée. Inutile de préciser que ce type de lectures ne faisait pas partie de mes préférés. Mais ça la divertissait. Tu sais, Elysée, à mon âge, me répétait-elle, on s’amuse avec un peu. Et puis, ça ne te passionne pas, ces histoires d’amour et de désamour au sein de la famille royale ? Pas vraiment, non. Elle me faisait pitié. J’espérais ne jamais finir comme elle, avec ses rides, ses dents jaunes et abimées, ayant pour seule compagnie une petite nièce qui supportait à peine sa présence – et son odeur.

Je l’avais croisé. Iann Kermarrec. Plusieurs fois. Mais, ne songeant qu’à ma propre fierté, je l’avais évité, comme toujours depuis des années. Je n’avais même pas cherché à savoir pourquoi il passait ses journées ici. Si je l’avais fait, il aurait compris que je pouvais m’intéresser à lui, et c’était hors de question. Nous étions bien trop différents pour que je daigne montrer de l’intérêt pour lui. Nous ne pourrions jamais réellement nous entendre, simplement parce que nos idéaux étaient à l’opposé. Certaines personnes ne s’en seraient pas préoccupés, auraient pensé que l’amitié était plus forte, plus importante que la politique. Mais, je ne faisais pas partie de ces gens-là. Je tenais trop à mon amour pour la monarchie pour être aperçue, vue avec quelqu’un qui la détestait. En réalité, quand on s’y attaquait, j’avais parfois le sentiment que l’on s’attaquait à ma propre personne. Alors, je ne pouvais pas accepter d’apprécier même un peu Iann Kermarrec. Et pourtant, pourtant. Notre brève période d’amitié partagée, des années plus tôt, me rendait parfois nostalgique. Si je n’avais pas eu l’idée de me renseigner sur son compte, je n’aurais peut être jamais su. Ou, du moins, pas aussi tôt. J’aurais peut-être appris son combat, son dégoût pour ce que j’aimais tant, trop tard. Une fois que nous étions trop amis pour nous défaire de cette amitié. Mais maman m’avait appris à toujours se renseigner sur mes fréquentations. Et en enfant modèle, j’avais fait comme elle m’avait appris.

Alors, je l’avais évité. Comme je cherchais aujourd’hui à l’éviter, dans cet hôpital. Sa présence m’insupportait. Pourquoi fallait donc qu’il se trouve dans mes pattes, à n’importe quel moment, à n’importe quel endroit ? Lui, au contraire, ne semblait pas vouloir me fuir. Alors que j’étais assise sur le banc, devant la chambre de ma grande tante, et que je le lisais Ma-sorcière-bien-aimée – non par plaisir, mais bien pour sélectionner les histoires les moins ennuyeuses pour la lecture quotidienne – Kermarrec se pointa devant moi, avec un café, qu’il me mit, presque avec force, dans la main. Je hausse les sourcils, pose le journal sur le côté. L’arome du café me monte aux narines, et je me laisse finalement tenté en prenant une gorgée. Après tout, je suis morte de fatigue, et cela me fera probablement du bien. « Le roi serait-il malade, pour que tu campes devant cette chambre depuis une semaine ? » Comme lui, je grimace lorsque l’arôme du café se pose sur ma langue, mais aussi à cause de sa première remarque. « Mon intérêt ne se porte pas que sur le roi, contrairement à ce que tu as l’air de penser. » Je n’étais absolument pas d’humeur à me faire taquiner par lui. Je tiens pourtant à préciser : « Je suis là pour un membre de ma famille. »

Iann enchaîne. Il continue de me parler, comme si nous nous étions quittés la veille, comme si nous avions toujours été de grands amis, pendant tout ce temps. Il déblatère sur les chevaux du roi, sujet dont je n’ai absolument cure. « Grand bien lui fasse. Et grand bien te fasse, apparemment. Je me fiche complètement de la race de ces chevaux. Il y a des choses plus importantes que ça. » Je jette un coup d’œil sur le journal posé à côté de moi. « Et non, non, je ne lis pas ce genre de journal. Mais ma tante raffole de leurs histoires croustillantes. Et il est bien vu que je prenne le temps de lui lire les ragots du royaume. » Et puis de toute façon, je n’ai rien de mieux à faire, en ce moment. Un silence s’installe entre nous. Un silence pendant lequel je ne fait que regarder Iann alors que lui contemple une pauvre plante, posée là. Je ne tiens plus. J’aurais vraiment voulu me désintéresser de lui, mais voilà, j’en suis incapable. Et puis, je m’ennuie. Oh, et aussi, personne ne saura que nous nous sommes adressés la parole, n’est-ce pas ? « Et toi, Iann, que fais-tu donc là ? Je doute que toi, parmi tant d’autres, viendrait rendre visite à un membre de la famille royale. » Je demande, avec un sourire en coin. Il est certain qu’il ne viendrait pas pleurer la maladie de gens qu’ils n’aiment, à priori, pas.
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MessageSujet: Re: CESSEZ-LE-FEU.   CESSEZ-LE-FEU. EmptySam 23 Nov - 17:03


- Mon intérêt ne se porte pas que sur le roi, contrairement à ce que tu as l’air de penser. Je suis là pour un membre de ma famille.
Il croisa mentalement les doigts pour que la personne qu’elle visitait, un membre de sa famille donc – et Iann décida de la croire sur ce point là, bien qu’il soit probable qu’elle lui mente. C’était probablement ce qu’il ferait à sa place – ne soit pas en train d’agoniser dans la chambre d’en face. Et surtout, qu’elle n’éclate pas en sanglots devant son manque de délicatesse. Non, voyons, c’était bien connu, Elysée ne pleurait pas.

Son renvoi de balle le fit sourire. Pas un sourire de travers cette fois mais un vrai sourire qu’il tenta de masquer avec les moyens du bord – en le dirigeant vers cette plante biscornue, donc. Comme lors de leurs premières rencontres, leurs premiers échanges un tantinet… explosifs, Elysée se prenait au jeu. Et même s’il y avait encore un peu (beaucoup) de mauvaise humeur, de défense et d’indifférence, même si elle se forçait encore à se montrer polie, ils étaient au milieu de nulle part et, jusqu’à preuve du contraire, pas sur écoute. Il n’y avait plus cette mini cour royale qui l’entourait à l’école, pour elle, et ces fréquentations pas toujours de bon goût qui l’accompagnaient, lui. Autrement dit, jusqu’à ce qu’elle décide de se lever et de le planter là, excédée, ennuyée ou décidant simplement qu’elle avait beaucoup mieux à faire ailleurs, il avait carte blanche pour abattre tous les murs à coup de hache.

En tout cas, c’était l’idée. Et l’idée lui plaisait. En réalité, il n’avait rien planifié. Il venait les mains dans les poches, comme toujours, comptant en grande partie sur le feeling, la chance, le charisme ou le culot – voire les quatre à la fois – pour espérer déterrer leur complicité perdue et comprendre sa passion complètement irrationnelle, à ses yeux, pour une monarchie boiteuse. Il voulait comprendre, hé ! C’était déjà un pas de géant vers le progrès.

- Et toi, Iann, que fais-tu donc là ? Je doute que toi, parmi tant d’autres, viendrait rendre visite à un membre de la famille royale.
- Tu te trompes… Je serais probablement le premier au chevet du roi.
Il sourit franchement, cette fois. Mais assez bavardé sur Sa Majesté. Il avait encore esquivé la question et il était temps qu’il se la pose franchement : qu’est-ce qu’il faisait là, donc ? Il se mit presque à réfléchir à voix haute, cette idée floue qu’il avait au départ, depuis plusieurs jours, prenant forme au fur et à mesure qu’il la formulait :
- J’avais besoin de m’asseoir quelque part. Tous ces couloirs, ça me donne le tournis. Voilà, première explication bancale : fournie. Je pensais aussi à… la rentrée. Attention, terrain glissant : il lui rappelait là qu’ils ne se côtoyaient pas, ne se parlaient pas, s’évitaient soigneusement et avec le temps, quasi naturellement, depuis des années. C’est ma dernière année, tu sais. Bien sûr qu’elle le savait, elle devait même en être ravie. Et tu sais aussi, je suppose, que le parcours social et politique m’intéresse beaucoup. Tout comme lui, mais peut être avec moins de hasard, Elysée était au courant de tout. Ça aurait stupide de sa part de la sous-estimer en affirmant lui apprendre cette information. Et les comices ne sont pas comices pour rien, hein ?

Bingo, il avait trouvé. Iann descendit la fin de son café d’une traite, et joua la carte feeling, chance, charisme et culot, sans prévenir :
- Tu pourrais donc me prêter tes cours d’économie et politique magiques. Et d’histoire de la magie. Et de communication. Et peut-être aussi de droit sorcier. Paraît que ça passait mieux à l’affirmative. Ou bien à l’interrogative ? Merde, il ne savait plus. Dans le doute, il se tourna franchement vers elle – aussi franchement qu’il pouvait en étant assis à ses côtés, en tout cas – et ajouta dans un élan d’enthousiasme, un grand sourire accroché aux lèvres : Non ?
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Elysée L. Berthelot
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MessageSujet: Re: CESSEZ-LE-FEU.   CESSEZ-LE-FEU. EmptyLun 2 Déc - 14:47

Il avait réussi à piquer ma curiosité, à me donner envie d’en savoir plus, beaucoup plus, sur la raison de sa présence ici. J’aurais préféré l’ignorer, ne pas lui adresser un seul regard, et pourtant. Iann avait cette étrange emprise sur moi, comme si j’étais incapable de passer à côté de lui, sans le regarder, sans avoir un petit pincement au cœur. J’imaginais toujours, en effet, l’amitié que nous aurions pu entretenir s’il ne s’était pas montré si différent de moi. S’il avait répondu à mes critères, peut-être trop sélectifs. Mais je ne pouvais pas déroger aux règles que je m’étais fixées. « J’avais besoin de m’asseoir quelque part. Tous ces couloirs, ça me donne le tournis. » Je hausse un sourcil, loin d’être satisfaite par sa réponse. Enfin, Iann, tu sais très bien que ce n’est pas ce que j’ai envie de savoir. Que tu t’assoies en face de moi n’est qu’une infime partie du problème. J’ai des raisons d’être à l’hôpital – un parent malade. Mais toi, toi, pourquoi te pavanes-tu dans ces couloirs ? Tu restes vague, comme toujours. La précision n’a jamais été ton fort ou bien tu entretiens une relation particulière avec le mystère. Ce mystère que tu aimes tant transporter avec toi. Comme une aura qui t’entoure. Un nuage de doute, de questions, qui donne envie aux gens de ton entourage d’en savoir plus, tellement plus sur toi. Et puis, ne me fais pas croire que ta présence ici n’est que le fruit du hasard. L’hôpital est assez grand pour que tu ne viennes pas t’assoir, par chance, en face de moi. Tu as quelque chose derrière la tête. Ça se voit, parfaitement. Alors, je ne fais rien. J’attends. Car je sais que tu finiras par parler, par me demander ce dont tu rêves de me demander depuis que tu m’as vu débarquer ici.

On y arrive. Iann m’avoue qu’il pense à la rentrée. Cet aveu semble étonnant de sa part : d’après les rumeurs que j’avais entendues, il n’était pas du genre à être assidu au travail, bien au contraire. Les études ne semblaient pas l’intéresser – elles n’intéressaient pas grand monde. Je n’avais jamais compris ce manque d’enthousiasme. J’adorais apprendre, découvrir de nouvelles choses. Il déblatère des phrases sans grand intérêt, me fait remarquer son intérêt pour le parcours social et politique (pourquoi n’a-t-il donc pas choisi cette branche ?) Et puis, « Et les comices ne sont pas comices pour rien, hein ? » Nous y voilà. Je me redresse. J’attends. Face à mon silence, il avale une gorgée de son café, et reprend la parole. Je manque de m’étouffer, mais sa demande parvient à m’arracher un sourire. Ce garçon est décidément sans gêne. A mon tour, je me laisse tenter par un peu de café. Puis, je lui jette un coup d’œil, levant presque les yeux au ciel. « Et tu comptes sur ma grande générosité, connue de tous, pour t’aider ? » Ma remarque ne semble pas le perturber. Après tout, rien ne semble déranger le jeune homme qui affiche un sourire, presque trop gai pour l’environnement dans lequel nous nous trouvions. Je regarde aux alentours, vérifiant qu’il n’y a personne dans les couloirs. Personne de compromettant. Puis, je m’approche du garçon, ne me trouvant qu’à quelques centimètres de son visage. Je pose une main sur la sienne, et dans un souffle, je murmure : « Pourquoi je t’aiderais, Iann ? » Qu’est-ce que j’y gagne ? A priori, rien. Tu n’es pas mon ami, du moins, pas vraiment. Pas autant que nous aurions pu l’être, dans un autre monde. Et tu devrais savoir que je ne fais rien gratuitement pour les gens qui, finalement, ne comptent pas tant que ça. De ma main libre, je caresse légèrement le menton du jeune homme avant de me reculer. « Désolée, Iann, mais je ne vois pas pourquoi je ferais ça pour toi. » Je ne veux pas qu’on m’utilise. Je suis celle qui utilise les autres, celle qui manipule. Pas le contraire. Sans une bonne raison, je ne bougerais pas le petit doigt. Je plonge mon regard dans le sien. Allez, vas-y, balance-moi tes arguments, essaie de me convaincre. Rien n’est gagné. Mais je le connaissais suffisamment pour savoir qu’avec lui, rien n’était perdu d’avance, non plus.
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MessageSujet: Re: CESSEZ-LE-FEU.   CESSEZ-LE-FEU. EmptyLun 9 Déc - 20:50

Non, il n’avait absolument rien à perdre. Il n’avait jamais rien à perdre ces jours-ci, seulement son temps, ce qui expliquait sans doute ces tonnes d’idées insouciantes et/ou inconsidérées qui lui venaient, lui semblaient absolument brillantes sur le moment mais avaient une fâcheuse tendance à se révéler, comment dire... futiles, aux yeux du monde entier. Carrément stupides parfois. Et illogiques. Qu’Elysée lui prête ses cours cette année relevait visiblement de la dernière catégorie : pourquoi, mais pour-quoi-donc, par quel cheminement de pensée, connexion de neurones, illumination, était-il arrivé à la conclusion que ça, ça, c’était une bonne idée ? Et une idée réalisable, par-dessus le marché ?

Il n’eut pas le temps d’y réfléchir – et il n’avait pas la moindre envie d’y réfléchir, à vrai dire – parce qu’Elysée avait souri. Un sourire furtif et qu’elle essaya presque de noyer dans son café, mais trop tard. Il l’avait vu. Elle ne le savait probablement pas encore, mais c’était comme si elle lui tendait la main et acceptait d’emblée la proposition qu’il venait de faire. Les petits engrenages de son cerveau s’emballaient, il était prêt, qu’importe sa réponse.

- Et tu comptes sur ma grande générosité, connue de tous, pour t’aider ? Il la regarda avec amusement jeter un œil autour d’eux, ayant l’impression d’être traité comme un gamin de sept ans qui aurait pataugé dans la boue, mais ne s’en formalisa pas. Non seulement il avait l’habitude, mais il acceptait aussi de jouer par ses règles à elle. Pour ce début de partie. Oui, il acceptait qu’elle s’approche, le regarde bien en face et lui dise non. Aucun excès de zèle aujourd’hui, il serait la patience incarnée. Il acceptait ce faux refus, cette douce résistance sans broncher, lui qui n’était pas tactile pour deux Palefrois et prenait d’habitude tout contact pour une invitation. Ici, il savait qu’il devait laisser ses habitudes au placard. Débrancher, rebrancher. Elysée ne jouait pas dans cette cour là. Ou bien il lui faudrait au moins un wagonnet de xérès pur feu avant de jouer dans la même catégorie… Désolée, Iann, mais je ne vois pas pourquoi je ferais ça pour toi. Dans son langage à lui, bien particulier, cette formulation prenait un tout autre sens : donne moi une bonne raison de me laisser convaincre, mais seulement pour alléger ma conscience. Pour que j’aie autre chose à invoquer, ensuite, à part une simple envie de renouer contact. Parce que renouer sans raison avec un non-royaliste serait absolument, profondément, inadmissible. Vraiment ?

- Pourquoi ?... Pourquoi ? Et pourquoi est-ce qu’il te faut toujours une raison, d’abord ? Tu vois, c’est la grande différence entre toi et moi, Elysée. Si on enlève le roi, la hiérarchie, tout ce bordel, toi, tu continueras toujours à calculer tes moindres mouvements, tes moindres paroles, tu continueras à regarder par-dessus ton épaule pour vérifier que personne ne nous voit, que ta réputation est intacte, qu’il t’est encore possible de grimper sur le plus haut échelon. Il avait balancé ces quelques phrases d’un ton posé tout en l’observant attentivement. Sincère, mais conscient qu’elle pouvait se renfermer et déguerpir d’un moment à l’autre. Sauf qu’il n’avait pas encore fini. Tu veux savoir ce que tu recevras en échange de me prêter tes cours ? Quel est l’avantage pour toi ? Ce qu’il va se passer si par malheur Le Prince Marien venait à le découvrir ? A la mention de leur bien-aimé Petit Prince, Iann ne put s’empêcher de sourire. C’était leur principal sujet de discorde, autant le faire voler en éclats tout de suite. Rien. Absolument rien. Je te le demande simplement parce que tu notes tes cours à la perfection et que je ne peux pas suivre ton cursus. Voilà, elle lui avait même arraché un compliment. Mais il n’avait toujours pas fini. Et puis parce que je t’aime bien. Grand sourire, cette fois, histoire de détendre l’atmosphère. Mais si tu veux vraiment une raison… Il se mit à la regarder très sérieusement cette fois, comme s’il était sur le point de lâcher l’argument en béton, final, impossible à contrer, qui la ferait instantanément changer d’avis : Dis-toi que tu fais un don pour l’humanité. Un acte de charité. Tu vas enrichir ma culture générale et marquer quelques points pour ton karma. Est-ce suffisant, votre Majesté ? Son monologue se termina avec un rire étouffé et une petite courbette à l’aide de sa jupe imaginaire.  Chaud, froid, chaud, froid. Heureusement qu’elle commençait à bien le connaître.
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Elysée L. Berthelot
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MessageSujet: Re: CESSEZ-LE-FEU.   CESSEZ-LE-FEU. EmptyLun 23 Déc - 13:05

Elysée Berthelot, semble-t-il, ne changerait donc jamais. Faire quelque chose sans rien obtenir en retour est impossible. Même pour procurer du bonheur aux gens. Même pour un ami. A part peut-être pour Dorian, je ne ferais rien les yeux fermés, sans penser aux conséquences, sans être sûre qu’une quelconque action ne puisse m’avantager. Mais il me regardait avec ses yeux grands ouverts, emplis de bonté, de supplication, me forçant presque à accepter sa requête. Comme si mon accord serait, pour lui, le plus beau cadeau du monde. Il semblait presque comme un enfant ouvrant ses cadeaux tant attendus le jour de Noël. Je n’avais qu’une envie : qu’il parte. Qu’il s’éloigne de moi avant que je ne fasse la grossière erreur d’accepter de lui prêter mes cours. Je n’avais rien, rien à y gagner. Il fallait que je me tienne à mes convictions. Ce n’était jamais dur, mais aujourd’hui, face à Iann Kermarrec, qui avait sur moi un effet dévastateur, je ne savais plus ni comment me tenir ni comment dire non.

Il ne se recule pas et ne me repousse pas lorsque je m’approche de lui et le touche. Il se laisse faire, comme si cette proximité, cette intimité avait toujours été présente entre nous. Nous nous connaissons depuis longtemps, des années, et même sans nous côtoyer, j’ai l’impression que nous nous connaissons bien, trop bien. C’est un sentiment étrange et pourtant, tellement familier. Envers Iann, j’ai toujours ressenti cette complexité. Le fuir, alors que tout me ramenait vers lui. Mais nous étions trop différents, nous ne pensions pas la même chose et cette opposition m’avait suffi pour essayer de mettre une croix sur lui. Je n’avais jamais tout à fait réussi.  Et il revenait vers moi, aujourd’hui. Il me suppliait de l’aider et encore une fois, je le repoussais, je refusais. Cependant, il savait comment me faire flancher. Étrangement. Comme s’il me connaissait mieux que n’importe qui. Il attaque. Il attaque là où ça fait mal. « Si on enlève le roi, la hiérarchie, tout ce bordel, toi, tu continueras toujours à calculer tes moindres mouvements, tes moindres paroles, tu continueras à regarder par-dessus ton épaule pour vérifier que personne ne nous voit, que ta réputation est intacte, qu’il t’est encore possible de grimper sur le plus haut échelon. » Je ne cille pas. Je garde mon regard fixé dans le sien. Et alors que ses mots auraient dû me mettre en colère (comment osait-on me parler ainsi ?), je ne pouvais qu’être d’accord avec lui. Parce qu’apparemment, il avait cette possibilité de me dire les choses telles qu’elles l’étaient sans que je ne le prenne mal. Et quand, pour la bienséance, j’aurais dû lui répondre d’aller voir ailleurs si j’y étais, je préfère me taire, attendant la suite, parce qu’il ne s’arrêtera pas aussi tôt. « Tu veux savoir ce que tu recevras en échange de me prêter tes cours ? Quel est l’avantage pour toi ? Ce qu’il va se passer si par malheur Le Prince Marien venait à le découvrir ? Rien. Absolument rien. Je te le demande simplement parce que tu notes tes cours à la perfection et que je ne peux pas suivre ton cursus. Et puis parce que je t’aime bien. » L’argument final. Il sourit, et je lui rends son sourire, modestement. Je faiblis, je faiblis. Il m’avait eu. Il m’avait eu à « perfection » parce que ce mot, j’osais le penser, me convenait tout à fait. Et puis, il faut avouer que son aveu d’amitié me faisait chaud au cœur. Car, qui d’autre, m’appréciait réellement ? Vraiment ? Pour celle que j’étais et non pas celle que je prétendais être. Il était, en effet, certain qu’Iann ne pouvait pas apprécier l’image que j’arborais en tous temps (celle, manipulatrice, froide que l’on ne pouvait approcher sans avoir fait des pieds et des mains. Celle, royaliste, alors que lui-même détestait cette monarchie.)  

Le tintement d’un xylophone – un instrument d’origine moldue, qui faisait fureur chez les sorciers depuis quelques années – me parvint jusqu’aux oreilles. On en jouait dans le hall de l’hôpital, sûrement pour remonter le moral des quelques personnes qui venaient de perdre un être cher. Je détourne le regard un court moment et me concentre sur la musique. J’apprécie peu cet instrument qui peine à dégager de vraies notes mélodieuses. Elle était censée apaiser les patients et leur famille, les rendre zen, mais je peinais à croire que cela fonctionnait réellement. Je repense à Iann, et me dis que, peut-être, gâcher notre amitié en raison de nos différents politiques n’avaient été qu’une excuse. J’avais peut-être eu peur de me rapprocher de trop près de quelqu’un d’autre que mon meilleur ami. J’avais craint que quelqu’un d’autre puisse connaître mes failles. Alors, j’avais préféré le chasser. Ne plus jamais lui adresser la parole. Pour être certaine de me sentir en sécurité. Je serre ma pochette de couleur kaki contre moi avant de me tourner, à temps vers Iann pour apercevoir sa courbette, celle-là même qui m’arrache un rire discret. Je finis par lâcher un soupir. J’avais l’impression d’être mise face à un ultimatum et pourtant, il n’en était rien. Rien ne m’interdisait de partir, de le laisser seul et de ne plus jamais entendre parler de lui prêter mes cours. Mais, mes pieds restaient cloués au sol. Un verre de whisky m’aurait peut-être remis les idées en place, à ce moment-là. J’étais incapable de lui en vouloir parce que je savais qu’il avait totalement raison, au fond. Alors, plutôt que de dire non et de m’en aller (comme j’aurais dû), je reprends : « Pourquoi moi, Iann ? Je ne suis pas la seule à prendre des notes à la perfection, comme tu dis. N’est-ce là que le fruit du hasard ? Tu m’as croisé et tu t’es dit que j’accepterais peut-être volontiers de t’aider ? » Ce serait étrange. Iann devait bien savoir,  à l’avance, que je refuserais de l’aider. J’avais besoin de savoir ce qu’il cherchait, vraiment, et surtout, surtout que ses paroles n’étaient pas de simples paroles en l’air, pour arrondir les angles. En cette fin d’été, où Dorian n’avait fait que m’éviter, j’avais besoin de m’accrocher à quelque chose. A l’espoir que quelqu’un d’autre pouvait voir plus que toute cette mascarade en moi.
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MAJOR E LONGINQUO REVERENTIA
Iann Kermarrec
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MessageSujet: Re: CESSEZ-LE-FEU.   CESSEZ-LE-FEU. EmptyMer 1 Jan - 19:15


La chance continuait de l’accompagner et il avait visé juste, elle était toujours là. Elle ne l’avait pas giflé, n’avait même pas eu l’air choqué. On ne devait pas dire tous les jours ses quatre vérités à Elysée Berthelot, même dans une version soft, et pourtant… pourtant, il avait eu raison de revenir, sans prévenir et sans réfléchir. C’était un peu comme leur première rencontre : absurde que ces deux là puissent discuter sans s’insulter, puissent même plaisanter, et tellement évident à la fois. Mais – puisque ce n’était qu’une grande histoire de « oui, mais » entre eux – ce qui était naturel pour lui ne l’était pas forcément pour elle. La preuve, Elysée hésitait encore. Ses doutes résonnaient dans l’air ambiant comme les sons de ce vieux xylophone que l’on entendait désormais, jusqu’à ce qu’elle en vienne à bout et les transforme en mots :

- Pourquoi moi, Iann ? Je ne suis pas la seule à prendre des notes à la perfection, comme tu dis. N’est-ce là que le fruit du hasard ? Tu m’as croisé et tu t’es dit que j’accepterais peut-être volontiers de t’aider ?
Ces mots bourdonnèrent étrangement dans sa tête, faisant écho à un autre souvenir, une autre fois, peut-être avec quelqu’un d’autre. Un sentiment de déjà-vu qui le ramena à la terre ferme. Sans fioriture ni raillerie, elle venait de lui dire calmement, mais clairement : arrête de tourner autour du pot, arrête de balancer tes intentions comme un yoyo en espérant que je n’y verrai que du feu. Si tu es aussi sincère que tu as envie de me le faire croire, abats tes cartes, je sais qu’il te reste quelques atouts dans la manche. Pire, je sais que tu sais que je sais… C’était la dernière résistance, celle qui pouvait inverser le jeu et lui renvoyer tous ses pions à la gueule sans qu’il ne les voie arriver, le moment où il n’avait pas intérêt à user de son humour vaseux une seconde de plus, ce tête-à-tête déterminant au milieu du western où l’on lançait les paris sur leur duel.

Il se cala au fond de son siège, tritura sa cravate défaite, déplia puis replia avec soin ses manches de chemise, prenant le temps de peser ses mots avant qu’ils ne sortent. Pourquoi elle ? Il reniflait l’exigence, l’appel, la perche qu’elle lui tendait et lui en voulut tout à coup de le mettre dans une position pareille, lui qui était aussi doué qu’un manche à balai pour rassurer, complimenter (on l’avait bien vu quelques minutes plus tôt), voire même expliquer ses réflexes de survie – oui, demander les cours d’Elysée s’apparentait bel et bien à un réflexe de survie. En l’honneur d’une complicité jamais acceptée… ? Pour ta franchise à toute épreuve ? Ton don pour te mettre les personnes qu’il faut dans la poche ? Parce que tu n’imagines pas tout ce que tu vas m’apporter dans un an, quand je serai dehors ? Il se doutait bien qu’un brutal « je fais juste mon boulot » passerait mal, très mal, surtout qu’il n’était qu’à moitié vrai. Elle avait raison, il lui devait au moins un semblant d’explication. Partiel.

- J’ai utilisé ta méthode, en fait. Celle de me renseigner avant d’aller dans le mur. Pique légère, très légère… S’il pouvait en plaisanter, c’était qu’il n’était pas rancunier. Et puis il voyait mal de quoi il aurait pu être rancunier, au juste. Qu’elle s’éloigne parce qu’il n’était pas assez royaliste ? Il naviguait bien assez dans les eaux troubles de la politique pour comprendre cette raison-là. Léger coup d’œil vers Elysée pour y guetter une réaction, avant d’ajouter : Et je peux te dire que tes parchemins sont célèbres. Tu pourrais même les louer pour vingt destriers, il y aurait quinze étudiants prêts à payer. J’ai fait mes recherches… (faux, il n’avait rien fait du tout, mais il était prêt à parier que le résultat serait le même s’il se renseignait auprès des camarades de classe d’Elysée) et tu es bel et bien la seule à prendre des notes à la perfection. Il insiste, c’est un compliment. Et c’est ce qu’il me faut.

Là, il reprit sa respiration. Ce n’était sûrement pas ce qu’elle voulait entendre – non, à coup sûr cette explication méritait un zéro pointé sur l’échelle de confiance d’Elysée – mais il ne pouvait pas s’étendre en grandes déclarations passionnées. Il n’était pas programmé pour ça. Il n’adhérait pas aux belles paroles, mais aux faits. Le fait qu’il soit là, qu’il prenne la peine et le temps de s’asseoir à ses côtés et de gratter la couche d’indifférence qui avait recouvert leur relation en disait beaucoup plus qu’un long discours. Il ne pouvait rien distribuer sur commande sans que ça sonne creux. C’était ce qu’ils appréciaient chez l’un et l’autre, après tout : la franchise sous les kilos de non-dits, les piques sous la complicité. Il aurait fallu lui mettre un couteau sous la gorge, le menacer de lui couper un doigt de pied ou l’acculer au bord d’une falaise pour qu’il avoue que renouer avec elle le démangeait depuis des années. C’était donc le fruit du hasard, mais un hasard calculé… Ce qu’Elysée ne saurait jamais. Il avait trop de fierté pour se dévoiler entièrement, se mettre à poil métaphoriquement parlant et jouer toutes, absolument toutes, ses cartes sur table, dans le sérieux et l’honnêteté que ce moment réclamait. Et comment aurait-il pu, sachant qu’il ignorait encore la moitié de son jeu ? La question n’était pas « pourquoi elle » : elle connaissait d’instinct la réponse.

- La vraie question, c’est plutôt pourquoi maintenant, je me trompe… ? Après toutes ces années à s’éviter parce que je n’étais pas assez royaliste pour t’adresser la parole, et à l’avoir accepté sans broncher : pourquoi pousser dans une direction qui ne mènera nulle part ? (Parce qu’Iann est un idéaliste indécrottable, voilà pourquoi.) Il se tourna à nouveau vers elle, affrontant son regard avec sa franchise habituelle. Et peut-être même avec une pointe de désespoir. Tu sais aussi bien que moi que je n’aurai jamais mes DIADEMs en fin d’année. Il me reste un an pour réunir les connaissances qui vont me permettre de compenser mon absence de diplôme et c’est pour ça que j’ai besoin de toi. J’ai pas le temps pour d’autres conneries. Sous-entendu : machinations politiques, manipulations en tout genre, retournements de vestes, et cetera. Il y croyait. Dur comme fer. C’était peut-être ça le pire, qu’il croie lui-même à ses mensonges. Et si tu es toujours sceptique, laisse-moi te dire que je suis une brêle aux échecs, Elysée. Faire avancer mes pions avec cinq coups d’avance… tu crois réellement que j’en suis capable ?

- Qu’est-ce que tu as à perdre ?
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MessageSujet: Re: CESSEZ-LE-FEU.   CESSEZ-LE-FEU. EmptyMer 8 Jan - 12:30

« Tu me fatigues. » soupirai-je. Tu me fatigues, Iann. Avec ton discours de persuasion, destiné à me faire flancher. Mais, je ne suis pas si faible que ça. Tu devrais le savoir, tu devrais. Tu prétends ne pas être au courant, ou avoir oublié, pourtant. Comme si tu ne me connaissais pas. Nous n’étions certes pas intimes au point de nous dévoiler nos secrets les plus intimes, mais, certes. Tu en avais entendu assez sur moi pour savoir que je ne me laissais pas faire. Je ne te laisserai pas la décision finale. J’étais celle qui la prendrait. Parce que c’est mon choix, pas le tien. Alors, arrête, arrête d’essayer de me convaincre avec tes compliments, tes mots doux, ton regard tendre. Tu me fatigues.

Encore une fois, les mots restent coincés dans ma gorge parce que je suis incapable, incapable de lui balancer cette vérité, de lui dire ce que je pense vraiment. Incroyable, cet effet qu’il a sur moi. Je ne comprenais pas ni comment, ni pourquoi. Il avait l’avantage. L’avantage de me soumettre, presque, à lui et à ses souhaits. Par Merlin, je le déteste. Je le dévisage. Il joue avec sa cravate, déplie et replie ses manches de chemise et je lui trouve, avec horreur, un charme fou. Ses cheveux en bataille, son air nonchalant. Il a quelque chose, un quelque chose qui pourrait me plaire. Un peu comme Dorian. Le même calme, les même cheveux décoiffés, le regard vague et pourtant si poignant. S’il n’y avait pas eu Dorian, il aurait pu … Mais non, non. Drôle d’idée pour une monarchiste comme moi de se prendre au jeu d’un démocrate de pacotille. Et puis, je vaux certainement mieux qu’un homme comme lui, venant quémander à la plus improbable des personnes un peu d’aide. Comme si j’allais vraiment l’aider. Allez, Elysée, arrête de résister. Tu sais bien que tu finiras par céder. Mais, encore un peu. Laisse-le parler, laisse-le même te supplier, se mettre à genoux. Ça ne fera de mal à personne – ça te fera peut-être même du bien. Il remontera dans ton estime, non ? Pas sûr.

« J’ai utilisé ta méthode, en fait. Celle de me renseigner avant d’aller dans le mur. » Je hausse un sourcil. Prends-toi ça dans les dents. Il sait, bien sûr, qu’après nos premières rencontres, je m’étais renseignée pour lui. Pour ne pas trop m’aventurer. Pour mettre fin à cette relation naissante avant qu’il ne soit trop tard. Et si je n’avais rien fait ? Et si j’avais été trop embarquée dans cette histoire avant de me rendre compte que nous étions bien trop différents et qu’il ne correspondait pas du tout à mes critères ? Cela aurait été bien pire. J’aurais été bien plus soumise qu’aujourd’hui. Je n’aurais plus été maître de moi-même. Car, bon sang, Iann Kermarrec savait comment se jouer de moi. « Et je peux te dire que tes parchemins sont célèbres… » Blablabla. « Arrête tout de suite la valse de compliments, Iann. J’ai beau adoré ça, ce n’est pas comme ça que tu vas me convaincre. » Economise ta salive, mon grand. Tous tes beaux mots, tes belles paroles, je n’y crois pas. Du moins, j’essaie de ne pas y croire. Car même si, en réalité, ils me touchent, j’essaie de me convaincre, avec force, qu’Iann n’est qu’un menteur, un beau parleur de première. Celui qui fait chavirer les cœurs des demoiselles avant de les briser en morceau. Sans pitié.

« Tu sais aussi bien que moi que je n’aurai jamais mes DIADEMs en fin d’année. Il me reste un an pour réunir les connaissances qui vont me permettre de compenser mon absence de diplôme et c’est pour ça que j’ai besoin de toi. J’ai pas le temps pour d’autres conneries. » Je lève les yeux au ciel. Des discours, encore des discours. En quoi cela me concerne-t-il ? Ses études, à vrai dire, je m’en contrefiche. Qu’il redouble, après tout, cela lui apprendra, cela lui fera les pieds. Je ne lui ai rien demandé, moi. J’aurais préféré qu’il ne s’arrête jamais sur mon chemin, qu’il ne me regarde pas et reprenne sa route. « Tu ne veux pas non plus que je te donne des cours particuliers, j’espère ? » Sourire forcé, lui montrant bien que j’étais loin d’être prête à faire cela. Être vue en sa compagnie, plusieurs fois par semaine, à l’école, c‘était comme me mettre la corde au cou, directement. Il me ferait presque mal au cœur, cependant. J’avais le sentiment étrange qu’il pensait que sa réussite scolaire dépendait à présent complètement de moi. Il osait donc me faire porter la responsabilité de son possible, même certain, échec. « Qu’est-ce que tu as à perdre ? » finit-il par lâcher. Cette fois, un petit rire sincère s’échappe de mes lèvres. J’admets la vérité : « Rien. » Puis, parce que finalement, j’aime toujours autant jouer, manipuler (presque autant que lui, à ce moment-là, car restons réalistes, Iann n’est certainement pas sincère), je m’approche de lui à nouveau, glisse ma main dans ses cheveux, approche mes lèvres de son oreille et murmure un peu trop chaleureusement : « Qu’est-ce que j’ai à y gagner ? » Mon jeu de charme ne le provoque peut-être pas. Sûrement pas, d’ailleurs. Je me doute qu’un garçon tel qu’Iann a dû rencontrer des jeunes femmes bien plus farouches que moi, prêtes à aller plus loin, beaucoup plus loin. Mais, je sais que je joue tout de même sur un terrain inattendu car, qui de nous deux aurait pu penser que je me comporterais ainsi avec lui ?
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MessageSujet: Re: CESSEZ-LE-FEU.   CESSEZ-LE-FEU. EmptySam 11 Jan - 13:40


Ceci est une invitation. C’était ce qu’elle lui criait, là, à trois centimètres de son visage, se foutant clairement de sa gueule après avoir utilisé toutes les ressources possibles pour se défiler, après avoir à moitié avoué que sa présence, ses compliments, ses discours en vrac avaient touché quelque chose. S’il avait pris soin d’ignorer son autre geste, quelques minutes plus tôt, il était désormais coincé, il ne pouvait plus faire autrement, ce qu’il avait pris pour un accord tacite ne l’était visiblement pas puisqu’Elysée s’était rapprochée, très près, trop près, et ses doigts qui avaient fini par brièvement effleurer sa nuque lui avaient foutu des frissons. Des putains de frissons. Qu’est-ce qu’il avait fait, qu’est-ce qu’il avait dit, bon sang, pour l’encourager dans cette direction ?

Sa question lui ramena le sourire. Il savait pertinemment que ce n’était pas la bonne attitude, qu’il aurait dû rester de marbre et piétiner son (faux) signal à pieds joints, sans compter qu’il ne souriait pas du tout pour les bonnes raisons (juste à l’idée que… cette situation était… tout à fait… absurde ?!) mais il ne pouvait pas s’en empêcher, il était même à deux doigts d’éclater de rire. Voir Elysée sous cette lumière là le laissait à la fois perplexe, amusé et… oui, flatté. Par delà tous ses principes, il se sentait flatté, ce con, tout en ayant la désagréable impression que c’était exactement là où Elysée voulait l’emmener. Mais c’était son bateau, son bateau à lui, il embarquait qui il voulait, quand il voulait, comme il voulait, ce n’était pas une caresse et des mots doux qui allaient le faire chavirer. Quelque chose lui soufflait à l’oreille, et ce n’était pas Elysée qui se mettait à lui faire du rentre dedans mais la certitude qu’elle jouait là sa dernière opposition. Après l’explication rationnelle, les compliments, un peu de mélo ça et là au milieu, la vérité déguisée et une mauvaise foi qu’il n’était même plus en mesure de reconnaître, Elysée le poussait dans ses derniers retranchements, dans ce coin spécifique où il n’avait aucune envie d’aller, passé la surprise elle venait presque de lui arracher son humour. C’était ce qu’elle devait faire avec sa cour habituellement. Et cela devait marcher avec ces idiots, en plus. Iann serait probablement tombé dans le panneau s’il n’avait pas eu d’autre objectif en tête, largement plus noble à ses yeux, que celui d’être dans les petits papiers d’Elysée Berthelot. Il se sentait utilisé, voilà, utilisé comme lui était en train d’utiliser Elysée à ses fins personnelles, et ce retournement de situation ne lui plaisait pas. Ou bien un peu trop ? Mais non, il ne pouvait pas. Il se représentait Elysée comme une sœur un peu insupportable qu’on évite soigneusement en public mais qu’on retrouve en riant à la maison, un alter ego impossible qui tire la corde dans l’autre sens, qui marche avec une détermination ahurissante dans la mauvaise direction et pire, qui le fait avec un sourire victorieux. Comment la ramener brutalement à la raison sans briser tous ses précédents discours en mille morceaux ?
Sans se départir de son sourire, il lâcha un soupir à fendre le cœur, attrapa sa main et revient la poser sur l’accoudoir qui les séparait avec une douceur qu’il ne remarqua même pas mais que son inconscient s’empressa d’écraser.

- Ma plus grande… reconnaissance ?

C’était la main de sa sœur qu’il tenait dans la sienne. Ce n’était pas la main d’Elysée mais la main de Maé qu’il serrait, lui implorant silencieusement de reprendre ses esprits, d’arrêter tout ce bordel avant qu’il ne laisse son empreinte indélébile, de ne surtout pas planter cette graine empoisonnée dans leurs esprits, sinon… sinon on allait encore le prendre pour un goujat (ça, il supporterait) et, pire, les portes qu’il était précisément en train d’ouvrir allaient se refermer trop tôt et pour les mauvaises raisons. Contrairement à elle, et c’était sûrement le seul détail qui l’empêcherait toujours de lui accorder une confiance aveugle, voire de la considérer sous un angle autre que celui de la simple amitié (lointaine et bancale) : il ne serait jamais prêt à tout pour atteindre les objectifs qu’il s’était fixés. Tant qu’elle ne lui sautait pas dessus, en fait, la question ne se posait même pas.
Mais puisque les pendules avaient besoin d’être remises à l’heure et qu’il tenait toujours sa main dans la sienne… il se pencha à son tour et se laissa aller à la contempler pendant cinq longues secondes, lâcha sa main pour venir replacer une mèche folle derrière son oreille, fixa avec la plus grande attention ses yeux rieurs, son nez, ses joues, ses lèvres, puis laissa finalement tout tomber. Ses mains revinrent à la bonne distance de sécurité, il se recula dans son siège, son sourire était désolé, déçu, triste mais satisfait, odieusement sincère, tout ça à la fois.

- C’est moi qui suis désespéré, dans cette histoire. Pas toi.
Pour sa défense : aux grands maux, les grands remèdes.
- Tu te souviens d’Aurore, 8ème année, rubissane jusqu’à l’année dernière ? Ses cours étaient illisibles, mais elle me les prêtait quand même. Pause, sourire. Au tout début, elle m’a posé la même question. « Qu’est-ce que j’ai à y gagner… ? » Il n’avait pas besoin d’élaborer là-dessus, il comptait sur Elysée pour relier les pointillés et réaliser par a+b qu’elle n’avait pas la moindre envie de marcher dans les pas d’Aurore, ni même de faire semblant d’en avoir envie. Le constat était loin d’être délicat, mais il ne l’avait jamais été non plus, délicat : c’était ce qu’il pouvait faire de mieux en matière d’atterrissage en douceur.

- Mais rassure-toi, on pourra toujours utiliser un intermédiaire, si tu n’arrives vraiment pas à refréner tes ardeurs…
Sourire clairement abruti aux lèvres, il se retenait de rire : peut-être qu’il la cherchait vraiment, cette gifle.
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MessageSujet: Re: CESSEZ-LE-FEU.   CESSEZ-LE-FEU. EmptyLun 13 Jan - 21:01

Je savais user de mes charmes. Et j’étais pleinement consciente du potentiel que je dégageais. A chaque instant, à chaque seconde, je savais l’effet que je provoquais autour de moi. Et je savais surtout, au regard qu’il me lançait maintenant, l’effet que j’avais sur lui. Car il ne pouvait pas prétendre qu’il en était autrement. Et parce que je ne peux pas m’en empêcher, je m’approche encore plus, oubliant complètement les médicomages, les guérisseurs, les patients qui allaient et venaient dans le couloir. Nos respirations se mêlent, il fronce les sourcils, ne comprenant probablement pas où je veux en venir. Moi-même, je ne sais pas. J’hésite. Car Iann aura toujours cet effet dévastateur, sur moi. Je ferme les yeux avant de me reculer. J’abandonne. Il ne faut pas tout gâcher. Ce moment. Ma réputation, la sienne. Il ne faut pas gâcher cette amitié, qui n’a jamais débuté, et qui semble prendre un nouveau départ aujourd’hui. Il était, en effet, certain que nous deviendrons amis. Peu importe mes préjugés, peu importe ce qu’il valait mieux faire, je me sentais prise jusqu’au cou. Je ne pourrais plus reculer. Iann était déjà ancré en moi, et (à moins que cela ne soit déjà fait), j’avais dans l’idée de m’ancrer en lui. Qu’il s’attache, qu’il ne puisse plus me laisser partir. Cette relation ne marchera pas à sens unique, j’avais besoin de lui, j’avais besoin qu’il me retienne, qu’il ne me laisse pas filer une fois de plus.

Il soupire, attrape ma main encore posée sur son épaule, et la dépose délicatement, si délicatement, sur l’accoudoir. Si bien que ce geste de tendresse me surprend de sa part. Il ne me lâche pas, et je ne cherche pas à me dégager non plus. Nous pourrions presque avoir l’air d’un couple. L’un de ceux venu voir un proche à l’hôpital et se consolant mutuellement après la perte de cet être cher. « Ma plus grande… reconnaissance ? » Je lève les yeux au ciel, presque impoliment. Sa reconnaissance ? Qui en voudrait ? Pas moi. Pas moi. Mais je ne pouvais m’empêcher de penser que ce pouvait être une récompense agréable. Oui, agréable. C’était complètement stupide, qu’est-ce que je pourrais bien faire de sa reconnaissance ? Mais, je finis par hocher la tête très faiblement, c’en était presque imperceptible. Parce que je commençais à être d’accord, mais je n’étais pas prête à donner ma permission définitive.

Il se penche vers moi, lâche ma main pour la porter à mes cheveux et je détourne le regard comme si j’étais à présent gênée de cette proximité. Gênée parce qu’au fond, cette proximité ne me dérangeait pas autant que je l’aurais souhaité. Je finis par le regarder, à nouveau, à observer son regard bleuté, presque enivrant. « C’est moi qui suis désespéré, dans cette histoire. Pas toi. » Je secoue la tête. Il exagère, comme depuis le début. Il en rajoute, pour provoquer la pitié, pour me forcer à l’aider. Il évoque ensuite Aurore, une ancienne rubissane, élève plutôt brillante, et puis ces rumeurs, ces rumeurs qui avaient couru à leur sujet. Je claque ma langue contre mon palais, exprimant mon mécontentement. Il tente de rapprocher cette situation à la notre, et je le déteste pour ça car je ne suis pas ce genre de filles, il le sait. Il devrait le savoir. Mais sa confusion peut se comprendre. Après tout, ne lui avais-je pas joué un pitoyable numéro de charme quelques minutes plus tôt ? « Mais rassure-toi, on pourra toujours utiliser un intermédiaire, si tu n’arrives vraiment pas à refréner tes ardeurs… » Cette fois, je sens mes joues rosir de colère. La chaleur monte, et je me redresse, me recule pour marquer une distance plus grande. « Tais-toi. » prononçai-je aigrement entre mes dents. « Et arrête. Ce n’est pas en m’énervant que tu obtiendras quoi que ce soit de moi. » Elysée, la mesquine, la froide, revient. Chassez le naturel, il revient au galop, comme ils disent. Je me mordille les lèvres, partagée entre la colère, la déception et l’envie de fuir. Mais pas seule. Je finis par me lever, me tourne vers Iann, et, après avoir pris une bouffée d’oxygène (car ce que je m’apprêtais à lui proposer me demander du courage, beaucoup de courage), lui tend ma main. « Emmène-moi. Emmène-moi hors d’ici. » J’arque un sourcil, insinuant alors qu’il n’avait pas droit au refus, je n’accepterai pas un non. Il n’avait pas le choix, il devait prendre ma main, il ne pouvait plus reculer. Mais, incertaine, j’ajoute, comme pour le convaincre : « Et peut-être, alors, je te prêterai mes notes. » Allez, allez, lève-toi, attrape ma main. Il hésite. Mais je ne lui laisse aucune issue. S’il refuse, il ne mettra jamais la main sur mes parchemins, mes parchemins si parfait, selon lui. Alors, alors. Tout se trouve entre ses mains, à présent. Et, pour le taquiner un peu plus, je reprends l’une de ses phrases fétiches : « Qu’est-ce que tu as à perdre ? » avant d’éclater de rire – et d’attirer sur moi les regards noirs des guérisseuses, car nous sommes dans un hôpital, voyons, veuillez respecter le patient. « Dépêche-toi. »
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MAJOR E LONGINQUO REVERENTIA
Iann Kermarrec
Iann Kermarrec
◗ HIBOUX : 224 ◗ REVELATEUR : CESSEZ-LE-FEU. I41g12
◗ PSEUDO : alix ◗ CREDITS : kidd
◗ SANG : Vicomté du Trégor, sang plus ou moins mêlé

CARTE CHOCOGRENOUILLE
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MessageSujet: Re: CESSEZ-LE-FEU.   CESSEZ-LE-FEU. EmptyVen 17 Jan - 15:39

L’impatience d’Elysée arrivait à son sommet. Il avait bien fait d’invoquer le souvenir d’Aurore, il constatait maintenant qu’il avait rebondi quelque part, qu’Elysée avait saisi la balle au vol et qu’elle était désormais d’accord pour clore cette parenthèse charmante, mais complètement à côté de la plaque. Il avait refusé tout en laissant la porte entrebâillée et lui était presque reconnaissant de se renfermer brutalement, de le couper, de lui dire de la fermer, Iann, par les caleçons de Flamel ferme-la-bordel. Elle lui rendait un service qu’elle n’imaginait même pas en changeant de ton et de sujet à sa place, autorisant ses pensées à se précipiter sur autre chose. Il ne voulait plus y penser, il n’y penserait plus, point : non seulement ce branchement en mode « oubli » fonctionnait parfaitement chez lui, mais ses entraînements de plus en plus approfondis en Occlumancie lui facilitaient la tâche. Iann la remercierait plus tard. Probablement. Un jour.

Bien qu’il ne comprenne pas totalement ce qui l’avait vexé tout à coup, il accueillit ce tournant avec une satisfaction non dissimulée. Ou, pour être plus exact : il croyait comprendre que la mention d’Aurore lui avait enlevé toute envie de continuer sur la pente glissante (et absurde) qu’elle avait commencé de descendre. Que se moquer d’elle à voix haute, sous-entendant qu’elle en pinçait clairement pour lui (encore plus absurde) avait remonté le rideau de fer qui les séparait. Mais… non, décidément, quelque chose lui échappait. Lui, le jadérial terre-à-terre, observait l’influence rubissane d’Elysée débarquer de nulle part, piquée au vif, déverser une colère qui avait du mal à se maîtriser, qu’il ne comprenait pas, qu’il n’avait jamais ressentie pour si peu, cette impulsivité qu’il avait mis tant d’années à intérioriser venait d’éclater, là, sous ses yeux, chez quelqu’un d’autre… et il trouvait ça fascinant. Mais si elle croyait qu’il lui suffirait d’un regard austère pour qu’il oublie ce qu’il avait vu, et ce qu’il continuait de voir, sous sa carapace de princesse des glaces, elle se plantait royalement.

- Et arrête. Ce n’est pas en m’énervant que tu obtiendras quoi que ce soit de moi.
Si, c’est exactement comme ça.
- Tu es adorable quand tu t’énerves.

Ah, certes, à long terme, ça lui taperait sûrement sur les nerfs, mais pendant ce temps il profitait pleinement de la position de force qu’elle lui donnait. Il se surprit à imaginer le pauvre type qui s’était pris d’affection pour elle cet été – oh, il devait bien y en avoir un, si ce n’est trois ou cinq, les filles comme elle savant les attirer comme des mouches et tisser leur toile autour (voir les étouffer avec… non, non, ne soyons pas si négatifs) – et le calvaire que celui-ci devait subir tous les jours pour supporter son caractère de feu. Elysée était insupportable, Iann était insupportable : bingo. Il n’arrivait même plus à s’empêcher de sourire tellement la situation l’amusait. Il avait gagné le premier round, même prit une longueur d’avance, il le savait et elle le savait aussi.

- Emmène-moi. Emmène-moi hors d’ici. Et peut-être, alors, je te prêterai mes notes.
Oh. Ah. … Pardon ? Elle ne cessait de le prendre par surprise, décidément. Provoquer Elysée, c’était une chose, mais la pousser à bout au point qu’elle se lève et lui tende la main, prête à le suivre à peu près n’importe où, à travers la pluie, la neige, le vent, les marées, c’en était une autre. La surprise le fit hésiter quelques secondes, cette fois, mais il n’eut pas à réfléchir longtemps. Cette question, la base de leur accord, venait de retentir à nouveau suivie d’un éclat de rire qui illumina tout le couloir. Est-ce que c’était encore un jeu ? Une autre façon de le bousculer et de voir jusqu’à quel point il pouvait tenir sans flancher ? Est-ce qu’elle le testait encore pour qu’il prouve son honnêteté ? Aucune idée. Il ne savait pas où il allait l’emmener, où elle voudrait qu’il l’emmène, il n’avait même pas toute l’après-midi devant lui pour pouvoir batifoler – batifoler dans le sens premier : avoir une conduite d’enfant, insouciante, joyeuse, voyons – mais décida d’y penser plus tard et de saisir, littéralement, le moment qui se présentait en attrapant la main que lui tendait Elysée, l’entraînant joyeusement vers la sortie comme s’il avait gagné quelque chose, un prix, un nounours au stand de tir à la baguette, une promesse, une cape d’invisibilité… Satisfait parce que son feeling ne l’avait pas trahi (pas encore, du moins), et parce que leur proximité nouvelle lui hurlait que son année venait de prendre un nouveau tournant. Sous-entendu : le deal est scellé, donc, puisqu’il est clair que tu ne peux pas te passer de moi.




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