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Ad Astra ◗ HIBOUX : 491 ◗ REVELATEUR : ◗ PSEUDO : Maitresse du Jeu ◗ CREDITS : (c) regina.
CARTE CHOCOGRENOUILLE ◗ LIENS:
| Sujet: CHAPITRE 2 : le contexte. Dim 20 Nov - 2:54 |
| magie, alma mater « On a tort de juger un homme à ses relations monsieur. Judas avait d’excellentes fréquentations. » « Tristan a recommencé, Madame. Il se morfond et ne cesse de geindre à longueur de temps, les autres tableaux commencent à se plaindre de ses jérémiades. » « Mais enfin, c'est insensé! Iseult n'a été déplacée dans l'aile du Levant que pour quelques jours de rénovation seulement! » « Nos explications ont été vaines, Madame, Tristan exige son retour dans l'heure qui suit. » Aliénor Yvelin frappa contre la table sa main légère aux doigts ornés de bagues. « Aussi longtemps que je serai directrice de cette Académie, ce n'est pas un portrait qui choisira de perturber ou non le calme et la quiétude de mes élèves! » La Directrice se leva d'un bond, filant dans les couloirs dans une trainée de robe aux reflets d'or, entrainant dans son sillage le Gardien du Palais. Lorsqu'elle traversa l'aile d'Europe devant les élèves de l'Académie, les garçons baissèrent les yeux au sol, les filles inclinèrent la tête en signe de respect. Beauxbâtons avait-elle vraiment changé?
Martin de la Baume s'arrêta quelques secondes devant l'arcade d'Orange, côté moldu, observant de droite à gauche cette vie absente de toute magie qu'il allait bientôt quitter. Décidément, l'élégance française se dégradait sous la démocratie, le pouvoir du peuple par le peuple amenait la société à être dirigée par les idiots de ce monde, et sa culture à sombrer dans la débandade la plus totale, conclut-il en observant un groupe de jeunes moldus riant à gorge déployée, sac à dos recousus et tagués sur le dos, jeans troués et lacets défaits. Dans son costume trois pièces aux couleurs éclatantes, contrastant avec le verni brun de ses chaussures de cuir à bouts renforcés, sa moustache relevée vers le ciel, Martin de la Baume ressemblait à un créateur de mode moldue particulièrement excentrique et attentif aux tendances. Il soupira, secouant légèrement la tête avant de traverser l'arcade d'un pas vif. La dernière fois qu'il était venu au Palais de Beauxbâtons remontait à quelques mois, lors de l'élection d'Aliénor Yvelin au poste de Grande Directrice de l'Académie. Là, il avait pu constater de front que les idées de cette femme, aussi délicieuse soit-elle, différaient de loin avec celles de ses prédécesseurs. Yvelin ne semblait pas aussi attachée que les autres aux traditions qui unissaient l'Académie à la Maison Royale, et il lui avait même parut que la perspective de jouer les finales de Polo dans les jardins du Roi n'enchantait pas la nouvelle Directrice, voire l'ennuyait carrément. Bien entendu, il avait courut jusqu'à la Chambre en faire le détail concis au Roi qui, à son grand étonnement, ne s'était pas inquiété outre mesure de ce changement d'idéologie. Sa conclusion avait laissé une trace indélébile dans la mémoire de la Baume: « la négociation et les concessions sont la clé de tout changement ». Leur Roi était trop bon, songea-t-il pour la centième fois au moins en observant les tours d'ivoire de ce Palais qui semblait fait de glace et de neige éternelle, ces jardins à la française aux borderies vertes éclatantes, ses pas crissant sur les graviers qui bordaient l'allée principale.
Le Gardien du Palais accourut vers lui dans son complet marine aux boutons d'or ; la Directrice avait été informée de sa visite et l'attendait dans son bureau. Leurs semelles résonnèrent bruyamment contre le sol de marbre, puis contre le bois vernis des couloirs plus silencieux que l'allée d'une cathédrale. Un silence qui semblait en effet religieux, mystique, on pouvait se demander comment un simple Palais, aussi sublime qu'il puisse être, pouvait imposer un silence aussi brut à des centaines de jeunes étudiants déchainés. En haut des marches de l'aile d'Europe, le Gardien s'arrêta et frappa quelques coups à l'immense porte de bois qui fermait le bureau d'Aliénor Yvelin. Sans réponse attendue, il tourna la poignée et invita de la Baume à entrer, refermant soigneusement après l'entrée de ce dernier. S'il n'avait pas eu l'habitude de fréquenter de belles femmes au sein de la Cour, de la Baume aurait sans aucun doute ressentit cette difficulté à respirer, ce chambardement dans l'estomac et cette pointe au creux du cœur propres aux hommes qui rencontrent pour la première fois une femme à la beauté inoubliable. Aliénor Yvelin n'était pas vélane, ses cheveux étaient d'un noir de jais, son nez plus droit que celui de Cléopâtre, ses pommettes relevées, ses yeux tout aussi noirs en forme d'amandes douces brillant d'une lueur d'intelligence et de fermeté qu'il ne connaissait à aucune autre femme. Retirant son chapeau pointu d'une main agile, il s'inclina profondément.
« Mon cher de la Baume, que me vaut le plaisir de votre visite? » Aliénor Yvelin était une femme modérée. Quand une femme de la Cour aurait dit « Mon cher de la Baume, que me vaut l'incommensurable plaisir de votre visite à point nommé? », Aliénor Yvelin se contentait du strict minimum respectueux. Avant même le commencement de l'entrevue, elle marquait poliment sa différence avec le monde de la monarchie. « Mes respects, Madame la Directrice. Le Roi me dépêche auprès de vous pour vous annoncer que Sa Majesté a trouvé récemment qu'il serait d'excellent augure que les examens oraux des DIADEMS de cette année aient lieu non pas au sein de l'Académie, mais dans les locaux de l'Abbaye de Fécamp, plus que propice à la quiétude nécessaire pour de tels événements. » Un imperceptible sourire se dessina au coin des lèvres de la Directrice, que ne manqua pas de relever le regard avisé de l'homme de Cour. « Vous souhaitez donc, par le biais de Sa Majesté de France, que je demande à mes élèves de se déplacer à des lieues du Palais, dans une période de leur vie sujette à une angoisse et à un stress non négligeables, parce que, comment dites-vous, pardon? La quiétude y sera de mise? Mon cher de la Baume, ne serez-vous pas entièrement d'accord avec moi si je vous disais qu'au Palais de Beauxbâtons, le silence est d'or? » De la Baume se raidit. Les étincelles qui fusaient dans les yeux d'Aliénor Yvelin montraient qu'elle en avait compris bien plus que ce qu'il avait daigné lui annoncer. « Madame la Directrice, avec tout mon respect, laissez-moi vous détailler la chose. Il se trouve que l'Abbaye de Fécamp est sous la responsabilité juridique de Sa Majesté, aussi la Maison Royale pourrait-elle avoir un œil bienveillant sur le bon déroulement de ces examens. Le Roi insiste pour se charger personnellement de la supervision de l'événement, c'est un acte sans précédent, un honneur... » Aliénor Yvelin le coupa dans sa phrase, le regard toujours brillant d'une intelligence supérieure. « Ne vous justifiez plus, mon cher de la Baume, j'ai compris. Si Sa Majesté souhaite nous faire l'honneur de Sa présence lors des examens oraux des DIADEMS, je ne peux qu'apprécier pleinement cette initiative. J'enverrai donc mes élèves à l'Abbaye, comme convenu. » Un sourire poli se dessina sur son beau visage neutre, et de la Baume comprit qu'il était congédié. S'inclinant encore une fois, il sourit à la Directrice. « Mes respects, Madame, et au plaisir de vous rencontrer à nouveau. » Aliénor Yvelin inclina sa tête au chignon brillant, et de la Baume s'en retourna, accompagné, comme de coutume, par le Gardien qui l'attendait derrière la porte.
Le sourire conventionnel d'Aliénor Yvelin s'effaça de ses lèvres rouges. Elle se tourna vers le portrait de Bérénice d'Angelet, ses sourcils légèrement froncés. « Ce n'est pas le Roi qui a pris cette décision, mais les Dix. Allez, s'il vous plait, annoncer au Cardinal que le lys a fleuri. Il comprendra. »
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