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 Le premier soir. [ft. Léa]

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MAJOR E LONGINQUO REVERENTIA
Alistair L. Adhémar
Alistair L. Adhémar
◗ HIBOUX : 224 ◗ REVELATEUR : Le premier soir. [ft. Léa] Tumblr_mjclvxcIOe1reci9go2_500
◗ PSEUDO : Unserious/Agnès/Dorian Desclève ◗ CREDITS : Unserious, tumblr
◗ SANG : Futur comte du Berry, sang-pur au père sang-bleu
◗ PENSINE : Animagus (chien) ; Des brûlures le long de la mâchoire et sur le bras, du côté droit ; Gaucher

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MessageSujet: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyLun 13 Jan - 14:14

Le premier soir. [ft. Léa] Tumblr_mg76s4VQ0e1rk5hmio1_500

T’es comme le vent. T’es libre, tu prétends l’être, alors tu vagabondes un peu partout, comme un sans-domicile attachant qui n’aurait aucune autre contrainte dans la vie que celle de faire ce qu’il lui plait. Or, ce n’est pas vivre. Ce n’est pas comme ça que tu finiras tes jours, Alistair. Tu as beau te dire que cette ambiance bohème, cette liberté, te procurent une jouissance que tu ne retrouveras jamais, tu as tort. Tu auras toujours tort. Car la ‘vraie’ vie, celle qui vaut la peine d’être vécue, ne se vit pas comme un étalon sauvage. Comme un animal en furie qui hurle à la pleine lune. Tu as l’impression que tu es libre, mais c’est peut-être ta plus grande tromperie. Ce subconscient, j’aimerais parfois le tuer, mais cela m’est impossible. Et pourtant, je sais qu’il a raison. Que peu importe ce que j’essaie de prouver au monde, je ne suis pas libre. Et Beauxbâtons me le prouve encore une fois aujourd’hui. Cette saloperie de porte est toujours fermée quand on en a besoin… Oui, bon, j’aurais peut-être dû rentrer plus tôt. L’heure de retourner obligatoirement dans les dortoirs n’est pas encore arrivée, mais toujours est-il que je ne devrais pas être dehors. Mes cheveux bruns se collent à mon front alors que je contourne le château, tentant de trouver une entrée discrète. Foutue école de magie. À vingt-et-un ans, on n’a même pas le droit de sortir après huit heures et demi. Je suis en retard d’une dizaine de minutes seulement, mais ça m’oblige à me faufiler comme un voleur. Si la directrice apprenait que j’ai manqué aux obligations, je risquerais gros ; et il m’est impossible de tirer un trait sur mon avenir d’auror. Enfin, je finis par trouver un mur de trois ou quatre mètres de haut, que je pourrai facilement escalader. Facilement, oui, parce que j’ai toujours tendance à parler trop vite. Je m’agrippe aux briques, me hisse, m’élève lentement et en essayant de faire le moins de bruit possible. Mes chaussures glissent, râpent parfois la pierre dans un bruit sourd. Arrivé au sommet du mur, je m’assois un instant sur le rebord pour reprendre mon souffle. Je prends un instant pour regarder les alentours, savoir où j’ai atterri. Apparemment, nous sommes dans les jardins. Je mets ma main en visière, ébloui par la luminosité du soleil couchant.  Quelques personnes sont là, mais suffisamment loin pour ne pas m’avoir vu. La plus proche d’entre elles est une jeune femme, assise sur un banc à une dizaine de mètres de là. Je me mords la lèvre. J’ignore si j’arriverai à être assez discret pour que personne ne me remarque. Non pas que je ne fasse pas confiance à mes camarades pour couvrir mon évasion furtive, mais je sais que certains d’entre eux se contrefichent de mon sort. Cela ne m’étonnerait pas que quelques uns attendent avec impatience le moment où je me ferai épingler. Je tâtonne mes poches, mais elles sont désespérément vides. Évidemment, j’ai oublié ma baguette. Bon, il va falloir t’en sortir seul. Quatre mètres, en chute libre. Et sans utiliser de sort pour amortir ta chute, de surcroît. Je me déteste. Je me déteste tellement. Je jauge la hauteur, la façon de laquelle je devrais tomber pour ne pas me faire trop mal, inspire profondément. La chute semble terriblement longue, mais l’atterrissage me ramène rapidement à la réalité. J’ai mal, affreusement mal à l’épaule. Je pousse un cri, puis l’étouffe rapidement pour ne pas rameuter toute l’école. Les quelques élèves qui se trouvaient dans le parc se dirigeaient vers les appartements de leurs différents écrins, de toute façon. Quoique… Je rouvre les yeux, tourne la tête. La jeune-fille s’est levée de son banc et est désormais accroupie à côté de moi. J’essaie de me redresser, mais c’est impossible. La douleur s’étend dans mes membres en quelques secondes, me faisant gémir. Heureusement, c’est l’épaule droite que je viens de broyer, et je suis gaucher ; je pourrai facilement dissimuler la blessure, et du coup, éviter que l’on me questionne à son sujet.
Je reporte mon attention sur la jolie blonde ; la seule qui ait remarqué mon entrée fracassante dans l’enceinte de l’école. Elle approche sa main de moi, mais je secoue la tête. « Laisse, ça va aller » dis-je en repoussant sa main avec mon bras valide. Je remarque alors que je tremble, réaction nerveuse au traumatisme que je viens de subir. Mais je maintiens ce que j’ai dit. Je n’ai pas besoin de son aide, aussi charmante soit-elle. Je peux me débrouiller seul, et personne ne remarquera que je m’étais absenté. Personne ne saura que j’ai enfreint le règlement intérieur ; encore. Je parviens à m’asseoir en prenant appuie sur mon bras gauche, malgré la douleur irradiant le côté droit de mon corps, et ma tête semblant sur le point d’exploser. Quelle idée stupide que de rentrer après la fermeture des portes, vraiment.
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Léa Covilliers
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyLun 13 Jan - 16:44

Le premier soir. [ft. Léa] Tumblr_mcbiifYreK1qjtgf2

It’s easy to fall in love, but it’s so hard to break somebody’s heart.

Elle n’aurait jamais imaginé faire une chose pareille. L’approcher, lui parler, le toucher. Si on lui avait tout ça quelques jours, quelques heures plus tôt, elle aurait presque ri. Et pourtant, quand, assise sur un banc, un livre à la main, elle l’avait aperçu sur le mur, jetant un coup d’œil aux alentours, elle avait vite compris qu’il ne pourrait pas descendre de là sans se blesser. Elle s’autorise à le regarder, pensant qu’à cette distance, il ne remarquera pas son regard inquisiteur. Elle peut sentir les battements de son cœur, qui s’accélèrent derrière sa poitrine. Car, elle observe Alistair Adhémar, et ce brun à l’allure nonchalante avait un charme fou. Et Léa, une fille parmi tant d’autres, n’y était pas insensible. C’était même tout le contraire. Jamais, cependant, elle ne se permettrait de l’aborder. Parce qu’elle n’a pas assez confiance en elle, pour ça. Parce qu’elle est persuadée qu’un type comme lui ne s’intéressera jamais à une fille comme elle. Discrète, presque effacée, ne soufflant mot. Il aimait celles qui se montraient en public, celles qui n’avaient peur de rien, celles qui réussissaient à obtenir n’importe qui, juste par la force d’un regard, d’un sourire. Tout ce qu’elle n’était pas. Léa préférait rester dans sa bulle, dans son monde, loin du regard des autres. Elle n’était pas comme ces Berthelots, ces Noblecourts, ces Vieulles, celles qui d’un battement de cils gouvernaient le monde. Elle n’était même pas comme sa meilleure amie. Elle n’était encore qu’une enfant, peu encline à regarder autour d’elle pour apprécier la véritable beauté du monde. Léa préfère ne pas penser, ne plus imaginer. Léa aimerait oublier.

Elle le contemple. Il hésite, puis se lance. Elle se mordille les lèvres, pensant qu’il va souffrir, beaucoup. Tout se passe très vite – bien que sa chute ait pu lui sembler durer des minutes entières. Il tombe, pousse un cri, et elle se lève sur le champ. Elle ne réfléchit pas, ne pense plus. Car, si elle avait pris le temps de penser, elle se serait rassise, aurait fait celle qui n’avait rien vu, rien entendu. Mais, prenant son courage à deux mains, elle se dirige vers lui, d’un pas décidé. Ce sera son moment, celui où Alistair posera les yeux sur elle, même si cet instant ne doit durer que quelques secondes. Elle s’accroupit à ses côtés, avance sa main vers lui mais il l’interrompt par la parole : « Laisse, ça va aller. » Elle lève ses yeux bleus glacials vers lui, croise son regard, baisse à nouveau les yeux. Elle est perdue, ne sait plus ce qui l’a poussé à venir vers lui. Il était évident qu’il allait la repousser. Elle se sent idiote d’avoir cru pouvoir l’aider. Il ne voudra jamais qu’une simple fille, une roturière qui plus est, comme elle ne s’approche de lui. Mais, il pousse un petit gémissement et cette fois, elle se décide à rester. Dans le petit sac gris qu’elle emporte toujours avec elle, elle sort une petite pommade, achetée chez un antiquaire sorcier. Une sorte de potion magique, qui marche à tous les coups. Et sans demander son avis (parce qu’il l’aurait forcément envoyé balader), elle ouvre le pot, en met un peu sur ses mains, s’approche encore un peu plus du jeune homme, jauge l’état de son épaule, soupire. C’est pire que ce qu’elle pensait. La pommade fera effet tout de même, mais…  « Ça risque d’être douloureux » prévient-elle simplement. Elle déboutonne encore un bouton de sa chemise déjà ouverte, tire le tissu avec délicatesse. Curieusement, ses mains ne tremblent pas alors que son corps boue à l’intérieur. Léa ne s’est jamais trouve dans une telle situation. Elle ne s’est jamais autant approchée d’un garçon. Avec douceur, enfin, elle applique la pommade sur l’épaule rougie d’Alistair. Ses mains glissent presque naturellement, comme si elle avait fait toute sa vie. Lorsqu’elle a fini, elle le regarde à nouveau et rougit légèrement. Il a l’air surpris, surpris de s’être finalement laissé faire, surpris qu’elle ose s’occuper de lui de cette manière. Elle se recule, et respire plus librement. (Merlin, son parfum l’avait presque enivré). Elle l’observe encore quelques secondes, des longues secondes, où elle ose s’imaginer, avec lui, ailleurs, tous les deux, simplement. Puis, en revenant à la raison, elle se racle la gorge et lui conseille, d’une voix douce : « Tu ferais peut-être mieux d’aller à l’infirmerie quand même. La pommade va calmer la douleur, mais je ne suis pas sûre qu’elle puisse faire des miracles avec ce que tu as. » D’un geste du menton, elle désigne son épaule, puis, se mordant la lèvre, elle ajoute (et espère qu’elle peut se permettre une telle familiarité) « C’était plutôt idiot de sauter, comme ça, d’une telle hauteur. » Et elle meurt d’envie qu’il lui raconte ce qu’il faisait là, qu’il lui raconte même n’importe quoi, car elle ne veut pas qu’il parte maintenant. Elle sait qu’un tel moment ne se reproduira jamais. Alors, elle aimerait qu’il dure des heures. Mais, elle ne demande plus rien. Elle ne veut pas se faire trop d’illusions. Elle sent, pourtant, qu’il est déjà trop tard car une telle proximité semble avoir réveillé ses sens. Semble avoir réveillé un désir dont elle ignorait encore l’existence cet après-midi là.
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyLun 13 Jan - 17:34

Un souvenir. Son visage m’évoque quelque chose, mais quoi ? Impossible de le dire. Tout ce que je sais, c’est que cette jeune-fille n’appartient pas à la bourgeoisie. Elle n’est pas une Berthelot, une Deulceux, une Noblecourt, une Leblois. Et elle n’est pas non plus une roturière importante, comme celles qui sont parvenues à se faire une place parmi les grands noms de France. Elle n’est rien, ne sera sans doute jamais rien. Mais malgré tout, elle est venue. Elle n’a pas ignoré ma souffrance, elle ne m’a pas tourné le dos, alors que je n’ai jamais rien fait pour mériter son attention. Je n’ai pas été agréable avec elle, je ne lui ai même jamais parlé, du moins, je ne pense pas l’avoir déjà fait. Elle approche de nouveau sa main, et même si je garde mes distances, je la laisse faire. Comme un chien blessé qui n’a plus la force d’éviter la main bienveillante de l’homme qui souhaite s’occuper de lui. Elle fouille dans son sac, sort un petit pot. De la crème, dont elle prélève une petite quantité du bout des doigts. « Ça risque d’être douloureux » dit-elle de sa voix douce, avant de s’approcher un peu plus. Ma chemise est déjà ouverte, mais pas suffisamment. Je n’ai d’ailleurs pas encore pu constater l’ampleur des dégâts. Elle la déboutonne, tire le tissu. Lorsqu’elle pose ses doigts sur ma peau, je tressaille. J’essaie de me focaliser sur autre chose que la douleur ; d’oublier que mon corps entier est endolori par ma chute. Mes yeux s’attardent alors sur son visage. Ses traits si fins, si délicats. Un visage d’ange, entouré de grandes mèches blondes. Je grimace lorsqu’elle appuie un peu trop sur ma peau douloureuse, mais ne détourne les yeux à aucun instant. Lorsqu’elle a terminé, elle m’adresse à son tour un regard. Ses yeux clairs semblent cacher une âme si tourmentée que c’en est presque touchant. Et lorsque ses joues rougissent, je déglutis. Je suis surpris. Surpris de m’être laissé faire alors que cette inconnue aurait pu m’achever à coups de massue. Surpris qu’elle m’ait aidé, alors que je n’ai jamais rien fait pour elle. Alors que je ne la connais pas. « Tu ferais peut-être mieux d’aller à l’infirmerie quand même. La pommade va calmer la douleur, mais je ne suis pas sûre qu’elle puisse faire des miracles avec ce que tu as ». Je hoche la tête. « Je ne crois pas non… Imagine s’ils me demandaient comment je me suis fait ça » dis-je en levant les yeux au ciel. Je n’avais pas le droit d’être à l’extérieur de l’école. Et même si je pouvais mentir et leur dire que je m’étais fait cette blessure une demi-heure plus tôt, je ne sais pas comment je pourrais expliquer la survenance de tous ces hématomes. Sauter d’un mur juste pour le plaisir, même la plus stupide des goules ne goberait pas ça. Et se blesser autant en tombant dans la cour est également impossible. « C’était plutôt idiot de sauter, comme ça, d’une telle hauteur » ajoute-t-elle, et je ne peux m’empêcher de rire devant son culot, rire que je ravale rapidement lorsque je sens la douleur revenir dans mon épaule. « Je fais pas mal de choses idiotes » dis-je en serrant les dents, ma main gauche massant délicatement mon épaule. Je me suis sûrement cassé quelque chose, mais je le découvrirais bien assez tôt. Dans le pire des cas, j’attendrai les vacances de Noël pour faire réparer tout cela dans mon Berry natal. Ou bien je corromprai une jolie étudiante en médicomagie qui pourra sans aucun doute réparer mes os brisés.
Lentement, je me lève, reprenant peu à peu possession de mon corps, malgré mes membres endoloris. La demoiselle me suit dans mon mouvement, et je m’accroche un instant à son bras pour ne pas flancher. Une fois complètement debout, je lui indique d’un signe de la tête le banc où elle se trouvait quelques secondes plus tôt. Je m’y dirige sans me presser, prenant le temps de redécouvrir des muscles de mon corps que je croyais inexistants. Depuis quand est-ce qu’on peut avoir mal à autant d’endroits différents ? Je me laisse tomber sur le banc de bois, reprends mon souffle. La jolie blonde s’assied à côté de moi, presque nerveusement. « Je m’appelle Alistair, dis-je entre deux bouffées d’air frais. Puis-je connaître le nom de ma sauveuse ? ». Après tout, sans elle, j’aurais pu rester à terre pendant des dizaines de minutes, à agoniser littéralement. Elle m’a sauvé, ce soir, pour une raison qui m’est encore inconnue. Mais ce n’est pas le moment de lui demander. Tout ce qui compte, c’est qu’elle ait été là. Avec cet onguent, avec ses talents de guérisseuse. Je n’ai pas une bonne mémoire des roturiers, mais je reste redevable de ceux qui me sauvent la vie. D’un geste vif, je dégage de mon front les quelques mèches qui y étaient collées. L’air chaud de l’été, toujours présent, a tendance à me faire suffoquer, et la petite bise qui s’infiltre par l’ouverture de ma chemise est presque un soulagement. Lorsque je sens que mon pouls a repris une allure normale, sans l’influence de la chaleur ou de la souffrance, mon regard se pose sur ses grands yeux d’opale absolument fascinants. Alors, qui es-tu, mon inconnue ?
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Léa Covilliers
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyMar 14 Jan - 14:52

Il n’écoute pas son conseil, refuse de se rendre à l’infirmerie. « Je ne crois pas non… Imagine s’ils me demandaient comment je me suis fait ça » Elle soupire et hausse les épaules. Et alors ? a-t-elle presque envie de lui demander. Elle qui ne mentait jamais, qui ne faisait jamais rien en-dehors des règles, avait du mal à voir en quoi cela pourrait être un problème d’avouer ses torts. Elle était sûre que si cela n’arrivait jamais, le corps professoral pouvait être clément. Mais elle ne connaissait pas suffisamment Alistair pour savoir que sa petite escapade, en dehors des murs de l’école, jusqu’après l’heure de fermeture des portes, n’était pas inhabituelle. Si elle avait su qu’il n’était pas vraiment du genre à respecter le règlement à la lettre, elle serait certainement déçue. Elle aurait, pour une fois, souhaité rencontrer quelqu’un qui lui ressemble. Cela semblait compromis d’avance, surtout quand elle croisait son regard et qu’elle semblait y lire autre chose que de la compassion, autre chose que de la douleur, mais bien un charme, un charme qu’il tentait de faire partager à n’importe qui, à n’importe quel moment. « Tu n’as qu’à leur dire la vérité… De toute façon, qu’est-ce qui t’as pris de passer par là ? Il te suffisait de toquer, ils t’auraient ouverts et tu … » Elle s’interrompt brusquement, ouvre de grands yeux, se rendant compte de ce qu’elle est en train de lui dire. « Je suis désolée, je… » bredouille-t-elle. Elle baisse les yeux, se maudissant avec force. Il n’accepterait sûrement pas ces reproches, ils ne se connaissaient même pas, comment avait-elle pu lui parler ainsi ?

Il rit, rit, quand elle lui dit trouver son comportement idiot. Alors, un petit sourire se dessine sur ses lèvres, aussi. Elle est presque rassurée mais ne se sent toujours pas à l’aise. Ce n’était pas facile pour elle. Elle parlait à tellement peu de monde. A part sa meilleure amie, avec qui elle était tellement différente, avec qui elle rayonnait, comme si Petronella lui rendait le soleil qui manquait à son existence. Elle seule pouvait comprendre ses souffrances, elle seule savait le nœud qui serrait constamment l’estomac de Léa, elle seule ressentait la même peur que Léa, depuis ce tragique été, depuis trois ans, déjà. « Je fais pas mal de choses idiotes » Ah. Ils étaient bel et bien différents, finalement. Et tous ces espoirs rapides qui s’étaient déjà formés en elle semblaient déjà éclater en morceaux. Elle ne trouve rien à y dire. D’ailleurs, elle n’a pas le temps de réfléchir qu’il cherche déjà à se lever. Elle aurait aimé qu’il reste encore là, un peu, avec elle. Mais elle ne peut pas le retenir – que pourrait-elle bien lui dire ? Elle se lève, alors, en même temps que lui, et lui offre son bras pour l’aider. Il s’appuie sur elle, beaucoup, et elle prend alors conscience de la douleur qu’il doit ressentir. Il vaudrait vraiment mieux pour lui aller consulter l’infirmière, mais elle préfère ne plus rien dire, car elle n’est pas sûre que c’est à elle de le convaincre d’aller avouer ses torts. Debout, Alistair lui indique d’un geste du menton le banc où elle était assise quelques minutes plus tôt, avant qu’il ne surgisse dans son champ de vision. Sans attendre sa réponse, il s’avance lentement. Et elle, elle reste plantée là, parce qu’elle a du mal à croire qu’il lui propose vraiment de s’assoir à ses côtés. Serrant son sac contre sa poitrine, elle se décide finalement à le suivre. Même si elle se sent terriblement anxieuse, elle sait qu’une telle opportunité ne se reproduira pas. Elle ne peut pas manquer ça. « Je m’appelle Alistair. Puis-je connaître le nom de ma sauveuse ? » Assise sur le banc, elle rougit presque automatiquement. « Léa. » lâche-t-elle dans un souffle. Elle ne lui demande pas « Et toi ? » parce qu’elle sait déjà. Alistair Adhémar. Tout le monde le connaît. Léa l’a déjà croisé dans les couloirs. Il ne lui a probablement jamais porté attention, il ne s’est jamais retourné sur elle. Et pourtant, elle, elle connaissait déjà depuis longtemps la couleur de ses yeux, sa façon de sourire. Elle entend encore son rire résonner dans les couloirs, un beau matin de mai, l’an dernier. Il a sûrement oublié, aussi, que quelques jours plus tôt, il lui a parlé. Vraiment parlé. Pour lui demander où se trouvait  sa meilleure amie. Il l’avait à peine regardé, semblant déterminer à retrouver Petronella. Elle ne savait pas vraiment pourquoi. Petra lui avait parlé de leur rencontre, cependant, mais elle n’en avait pas dit grand-chose. Léa l’avait trouvé un peu secrète mais, comme à son habitude, elle n’avait pas posé plus de questions. « Je ne suis pas ta sauveuse. » reprend-t-elle. Et quand elle se tourne vers lui, elle remarque qu’il a les yeux fixés sur elle, et à nouveau, elle rougit, puis se mordille la lèvre, effrayée que son rougissement ne trahisse trop sa gêne, et ses sentiments là, ceux qui lui étaient inconnus et qui ne surgissaient d’on ne sait où. « Je t’ai juste aidé, un peu. » Elle hausse les épaules. « J’ai fait ce que n’importe qui aurait fait. » Sûrement. Et pourtant, est-ce que n’importe qui ressentirait ces palpitations, ce cœur qui s’agite, ces petits papillons au creux de l’estomac ? Bien sûr, bien sûr, essaie-t-elle de se rassurer. Pas sûr, petite Léa. Pas sûr.
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Alistair L. Adhémar
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyMar 14 Jan - 15:34

Il m’était impossible de comprendre la fascination que j’exerçais, sans le vouloir, sur certaines personnes. J’ai toujours été conscient de plaire, oui ; mais pourquoi ? Il est vrai que j’ai un visage agréable, du moins, je le pense. Que je peux être charmant, parfois, quand je me force. Mais de là à exercer un véritable pouvoir sur les autres ? Certaines semblent charmées dès l’instant où je leur accorde un regard. Dès que je prononce le moindre mot. Cette jeune-fille fait partie de celles-là. Celles qui attendent que je les regarde, qui guettent le moindre signe d’intérêt de ma part. Même si elle a une façon si désagréable de me contredire. De rebondir sur tous mes mots, comme si elle ne supportait pas de connaître le véritable Alistair Adhémar : celui qui contourne le règlement en s’en contrefoutant. Celui qui escalade les murs de l’école. Celui qui refuse d’aller à l’infirmerie s’il doit avouer qu’il était dehors après le couvre-feu. Elle est déçue, mais elle craque pour moi. Le fait qu’elle bredouille quelques excuses à mi-mot me le prouve. Elle pourrait me pardonner d’être un salaud, de l’ignorer, de partir sans lui dire au revoir, parce qu’elle pensera à moi ce soir en s’endormant. À la sensation de ses doigts contre ma peau, à mes iris sombres plongés dans les siens. Et elle s’essoufflera seule, elle aura du mal à respirer, et j’en serai entièrement responsable, malgré moi. Je n’ai jamais ressenti cela pour qui que ce soit, en ce qui me concerne. Jamais, jusqu’à quelques jours auparavant, quand j’ai fait la connaissance d’une jolie brune venue d’ailleurs.
Nous sommes assis sur ce banc, comme deux étrangers qui commencent à nouer un lien suite à un malheureux hasard. Lorsque je lui demande son nom, elle le murmure et rougit immédiatement. Si j’avais envie de m’amuser, je pousserais le jeu. Mais le fait d’aimer les filles ne fait pas de moi un sale type. Je crains de la faire souffrir si je lui fais croire à quelque chose. Quelque chose de plus, quelque chose qui n’arrivera jamais. « Je ne suis pas ta sauveuse »  reprend-elle, en se tournant vers moi. Je fronce un peu les sourcils, l’observe. Son teint redevient écarlate. Elle est donc ce genre de personne. Elle ne se croit pas importante, essentielle. Elle n’a rien fait de spécial, après tout. Et il y a toujours quelqu’un pour faire mieux, pour aller plus loin, pour la surpasser. Il y a toujours la fille qui gagne le prince, à la fin, alors qu’elle reste seule. Je sors de mes pensées. C’est la dernière chose que je souhaite : ressentir de la pitié pour elle. Léa n’a pas besoin de pitié. Elle est jeune, belle, attachante. Loin d’être noble, certes, mais tout de même une chouette fille. J’aimerais pouvoir lui donner ce dont elle a envie. J’aurais pu l’embrasser, lui montrer l’espace d’un instant que oui, quelqu’un comme moi peut s’intéresser à quelqu’un comme elle. Mais il y a quelques jours, j’ai rencontré Petrónella. « Je t’ai juste aidé, un peu » me dit-elle, la tête basse. « J’ai fait ce que n’importe qui aurait fait ». Douce Léa. Elle sait parfaitement que ce n’est pas vrai. Elle essaie de justifier sa bonne action en présumant que n’importe qui aurait réagi comme elle. Nerveusement, elle se mord la lèvre, évite mon regard. Je soupire. Comment convaincre quelqu’un de sa valeur, quand cette personne est persuadée du contraire ? Ma main se lève, attrape doucement sa joue. Caresse l’arête de sa mâchoire, jusqu’à son menton qu’elle saisit avec tendresse. « Merci », dis-je simplement. Beaucoup m’auraient laissé me débrouiller. ‘Alistair a encore des problèmes ? Ça ne nous concerne pas’, auraient-ils pensé. Pas Léa. Parce que Léa m’aime plus qu’elle ne devrait, et ce n’est pas vraiment difficile à voir. Je laisse retomber ma main, ne souhaitant pas mettre la jeune-fille plus mal à l’aise qu’elle ne doit déjà l’être. Je détourne le regard, grimace en sentant une nouvelle douleur me parcourir le thorax. Le jardin s’est entièrement vidé, à l’exception de nous deux. Et, alors que je me perds dans mes pensées, je me souviens. Je sais où j’ai vu Léa. C’est elle qui m’a indiqué le chemin pour retrouver Petrónella. C’est elle, transie d’amour pour moi, qui m’a guidé vers celle qui m’obsède désormais. Je l’ignorais, et je m’en veux terriblement. Je n’ose imaginer le sentiment que ça procure lorsque l’être aimé vous accorde à peine un regard, parce qu’il court après quelqu’un d’autre. Je tourne la tête vers Léa ; elle me regarde à son tour, presque gênée. Quelques secondes passent avant que je ne me décide à parler de nouveau. « Je suis désolé pour l’autre jour… Je ne t’ai même pas dit merci » dis-je en baissant les yeux. La honte, et la colère contre moi-même, voilà ce que je ressens. Parce qu’obnubilé par une foutue écharpe, j’avais oublié de prêter attention aux personnes autour de moi. Je n’ai pas vu qu’une fille n’avait d’yeux que pour moi. Et alors que je pensais l’avoir épargnée jusqu’à maintenant, je me rends désormais compte que le mal est déjà fait.
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyDim 19 Jan - 11:06

Elle a du mal à croire à sa présence à ses côtés. Elle ne comprend pas vraiment pourquoi il s’obstine à rester là, près d’elle, alors qu’il aurait pu partir, depuis quelques minutes déjà. Loin, rentrer au château et ne plus jamais lui adresser la parole. Parce que c’est ce que les autres faisaient en général. Il jetait un regard indifférent sur Léa, lui adressait quelques mots sans grand intérêt, des paroles en l’air, et puis l’oubliait, vite, très vite. Elle avait cru que dès qu’elle eut fini de le soigner, il serait parti. Il l’aurait quitté, brisant ce moment unique. Mais non, il reste là, et lève sa main vers son visage, caresse sa joue, sa mâchoire, son menton. Elle tressaille. Parce qu’elle n’a pas l’habitude de cette tendresse. La seule personne qui s’est réellement montrée tendre, affectueuse avec elle était sa meilleure amie. Point final. Il murmure un remerciement, mais elle n’en tient pas rigueur, car elle n’est pas sûre de mériter un tel mot. Elle n’a fait que son devoir. Rien de plus. Parce que Léa est trop gentille. Quand d’autres l’auraient laissé souffrir au beau milieu des jardins, elle n’avait pas hésité à se lever et porter secours à ce jeune homme. Lui-même peut-être ne l’aurait pas regardé si elle était tombée devant lui. Mais, elle s’en fiche. Elle se fiche de l’indifférence des gens. Elle, ne peut pas leur rester indifférente. Car, elle les trouve tous beaux, confiants, majestueux, tous autant qu’ils sont. Léa n’a pas de préjugés, Léa ne juge pas. Elle observe et apprécie, envie leur vie pleine de rebondissements. Elle ne se mêle pas par peur de souffrir. Elle sait bien que personne ne voudrait d’elle. Elle sait aussi qu’elle ne veut plus jamais revivre cette scène horrible. Alors, elle reste à l’écart, ferme les yeux et s’imagine dans un monde meilleur. Un monde où le meurtre n’existe pas, un monde où ses parents ne rejettent pas sa magie. Un monde où elle brillerait en société. Où son rire résonnerait dans les couloirs, toute la journée. Un monde où elle cesserait de s’inquiéter.

« Je suis désolé pour l’autre jour… Je ne t’ai même pas dit merci. » Il baisse les yeux gênés, et Léa sourit. Elle lui sourit comme pour lui signifier que cela n’a pas d’importance, elle a l’habitude d’être ignorée, oubliée. « Tu l’as trouvée ? » demande-t-elle. « Petrónella, je veux dire ? » Il hoche la tête et elle n’en demande pas plus. Parce qu’elle ne veut pas savoir. Elle n’est pas étonnée qu’un garçon comme lui recherche une fille comme elle. Elle espérait cependant qu’il ne s’approche pas trop d’elle, parce qu’il risquerait d’y perdre des plumes. Il n’est pas certain que Ragnar apprécie Alistair, ne serait-ce même que si celui-ci ne veuille être que l’ami de Petra. Mais, Léa en doutait. Alistair ne cherche pas d’amies. Alistair cherche des maîtresses, c’est certain. « C’est ma meilleure amie. Petrónella. » Le visage de Léa s’éclaire. Comme jamais. Comme à chaque fois qu’elle évoque le nom de sa meilleure amie. Car seule elle sait comment la faire sourire, la rendre heureuse. Son cœur s’est allégé depuis que la belle brune l’a rejoint à l’école française. Au moins, désormais, Léa n’aurait plus à être seule, constamment. Mais, elle aurait aimé qu’elle vienne sans son cousin, sans son amant. Parce que Léa le craignait, elle avait une peur immense de lui. Il n’était pas commode. Et surtout, surtout, il avait du sang sur ses mains. Elle ne savait pas si Ragnar savait qu’elle avait assisté au meurtre, mais elle ne voulait pas y penser. Car, qui savait comment pouvait réagir le brun ténébreux ? Il pouvait très bien décider de se débarrasser d’elle pour ainsi être sûre qu’elle garde le silence. Mais, il ne pouvait pas faire une chose pareille. Petrónella ne lui pardonnerait pas. Jamais. Léa se sentait en sécurité près de sa meilleure amie. Celle qui connaissait tout d’elle, sur le bout des doigts. Léa joue avec le bracelet fin que Petra lui a offert, quelques années plus tôt. « C’est une fille merveilleuse, tu sais. Elle est indépendante, spontanée et pleine de vie… C’est quelqu’un de bien. » dit Léa. Parce qu’il est toujours plus facile de parler de son amie que parler d’elle-même. Léa préfère évoquer son amie pour taire ses peurs, ses peines, tout ce qui n’intéresserait personne. Au moins, en parlant de Petra, elle est certaine de garder Alistair encore un peu près d’elle. Et même s’il évoquera Petrónella avec un sourire rêveur, et même s’il oubliera presque la présence de Léa, elle s’en fiche. Elle, elle saura qu’il est là, assis à côté d’elle, et elle n’oubliera jamais ce moment. Elle n’ose pas parler d’elle, elle n’ose pas dire ces mots qu’elle rêverait de pouvoir dire, car elle sait que tout les sépare. Ils vivent dans deux mondes totalement différents. Elle, ange déchue, détruite par le poids de la vie, et lui, lui, au sourire ravageur, toutes les filles à ses pieds. Deux personnes à part, totalement différentes, et pourtant, assises l’une à côté de l’autre avec un seul point commun : une jolie Scandinave. Un point commun qui risque bien de détruire un peu plus la douce Léa.
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyLun 20 Jan - 22:47

Intimidée. C’est l’impression qu’elle me donne, à cet instant. Je sais ce qu’elle pense de moi. Ce que toutes les filles pensent. Que je suis un coureur de jupons infidèle ; mais c’est faux. Je ne me souviens pas avoir déjà trompé l’une de mes petites amies. Je suis resté des années avec l’une d’elles, sans jamais penser à quelqu’un d’autre. Mais je sais qu’il s’agit d’un tout autre monde, pour Léa. Pas besoin d’être devin pour savoir que la jeune-femme a peu d’expérience avec les garçons. Peut-être même aucune. Et il avait fallu que je me ramasse à côté d’elle ; qu’elle soit obligée de me sauver. Un garçon comme moi, considéré comme un goujat par beaucoup… Enfin, par toutes celles qui n’ont pas eu le plaisir de faire plus amplement ma connaissance. Sinon, elles sauraient que je ne suis pas comme ça. Que je suis naturel, doux. Franc, agréable, et tendre. Que je n’ai rien du personnage imbu de lui-même auquel on m'associe parfois. Léa croit que je suis comme ça, parce qu’elle ne me connaît pas. Au final, je devrais lui en vouloir, mais elle ne m’a rien dit. Je le sens simplement lorsque je plonge mes yeux dans les siens. Lorsque j’essaie de lire ses pensées rien qu’en scrutant ses grands iris clairs. Elle m’admire, mais me trouve répugnant. Elle m’aime, mais me déteste. Et si ça me blesse, je ne peux pourtant pas lui reprocher. Je n’ai jamais rien fait pour arranger ma réputation. Mes notes sont excellentes, bien sûr, mais mon image de fêtard est désormais connue de tous. Y compris d’elle, la belle prude, la jolie vierge sans défauts.

« Tu l’as trouvée ? » me demande-t-elle. « Petrónella, je veux dire ? ». J’hoche la tête. Impossible de dire quoi que ce soit, parce que la brunette m’a laissé sans mots. J’ignore ce que pense Léa. Si elle croit que je recherchais la jeune-femme uniquement pour la mettre dans mon lit. Moi-même, je ne sais plus ce que je souhaite. Depuis que je l’ai rencontrée, je n’arrive plus à penser correctement. Je la connais à peine, pourtant. Mais il n’est pas forcément nécessaire de côtoyer les gens depuis des années pour les aimer. Et Petrónella est de ces personnes auxquelles on s’attache. « C’est ma meilleure amie. Petrónella ». À ces mots, son visage s’éclaire. Une étincelle apparaît dans son regard, alors qu’elle semble se remémorer certains souvenirs. Je pivote complètement vers elle, ma jambe repliée sur l’assise du banc. À son regard, à son sourire, je sens que Léa tient à Petrónella. Qu’elle l’aime terriblement, plus que n’importe qui. Elle confirme ce que je pensais à propos de ma camarade Améthysse. Elle est sans aucun doute quelqu’un de bien. Quelqu’un de rayonnant, qui donne envie de faire partie de ses amis. C’est l’effet qu’elle a eu sur moi, dès le moment où je l’ai vue. Petrónella et ses yeux trop grands, et ses adorables fossettes. Son menton volontaire, ses longs cheveux bruns. Je pourrais peindre son visage de mémoire, tellement j’en ai mémorisé chaque détail. Mes joues rougissent soudain. Je sens ce feu qui s’empare de mon visage. Cette moiteur qui s’insinue au creux de mes mains. Alors que j’ignore tout d’elle, je pense à Petrónella, bien plus que je ne le devrais. « C’est une fille merveilleuse, tu sais. Elle est indépendante, spontanée et pleine de vie… C’est quelqu’un de bien ». Je me raidis un instant, plante mon regard dans celui de Léa. Je me demande si elle lui a parlé de moi. Si elle a confié une potentielle attirance. Si elle a exprimé des sentiments à mon égard. Mais c’est impossible. L’espace d’une seconde, mon cœur se serre, semble presque souffrir. C’est donc ce que doit ressentir Léa en me voyant rougir à la simple évocation de son amie. Je déglutis, détourne un instant les yeux. « Je n’en doute pas » dis-je d’une voix douce. J’aimerais parler de son amie. De ce que je ressens quand je pense à elle, cette sensation de bien-être et de malaise. Cette immensité, cet amour qui bouillonne, mais également cette crainte d’être rejeté, mis à l’écart. Je ne suis pas assez bien pour quelqu’un comme elle. Petrónella mérite mieux, mérite plus qu’un petit bourgeois. Qu’un bâtard au cœur d’artichaut. J’aimerais lui dire que j’éprouve mille choses pour la belle brune, toutes contradictoires, toutes terriblement puissantes. Mais Léa a mal, et je le vois. Elle préfère me vanter les vertus de sa meilleure amie plutôt que de me parler d’elle. Elle se croit inutile. A peur, terriblement peur d’être jugée. Mais elle ignore que je ne suis pas ce genre de garçon. Je ne vais pas la mépriser. Je ne vais pas me moquer d’elle. Et au-delà de ça, je ne veux pas parler de Petrónella avec elle, alors que je sens toute l’affection qu’elle me porte, tout l’amour qui brûle en elle et qu’elle tait, par pudeur, par crainte. Mes yeux cherchent de nouveau les siens, les trouvent finalement. « Tu n’es pas comme elle, n’est-ce pas ? ». Le Alistair sans gène revient. Celui qui n’a pas peur d’aborder les sujets qui fâchent. Je la contemple. Ses grands yeux bleus, ses tâches de rousseurs, ses cheveux blonds. Léa, si peu consciente de ses qualités évidentes, si fermée, si secrète. « Tu penses que tu vaux moins qu’elle. Et pourtant… Tu es belle, gentille, douce ». Je respire lentement, ne lâche pas son regard. Je ne veux pas la faire craquer ; simplement la tester. Parce que je n’arrive pas à la cerner totalement. Elle garde tellement de choses pour elle. Semble si lointaine et si proche à la fois. Comme si elle voulait rester près de moi mais qu’en même temps, elle avait envie de prendre ses jambes à son cou. Mes doigts s’aventurent le long de son bras, qu’ils caressent doucement. J’entends presque les battements de son cœur s’accélérer. « Je donnerais beaucoup pour avoir une amie comme toi ». Si elle s’écoutait, elle m’embrasserait sans doute, mais elle ne le fera pas. Parce que Léa est parfaite : calme, pleine de mesure. Je retire lentement ma main, me relève en grimaçant – foutue épaule. Le Alistair d’avant aurait bondi sur l’occasion. Une fois poussée à bout, il aurait saisi ses lèvres, glissé ses mains sous son chemisier. Mais celui d’aujourd’hui n’y arrive pas. Même si je n’ai aucune chance avec Petrónella, je ne veux pas. Je refuse d’enlever son image de mon esprit pour la remplacer par une autre. Et ça me rend honteux, et ça me rend détestable, si bien que j’évite le regard de Léa. « Elle est différente » murmuré-je. Je ne sais pas pourquoi je te dis ça. Peut-être parce que si je garde un instant de plus mes sentiments au fond de moi, j’en mourrai. Alors je fais ce que je sais faire de mieux. Je te brise. Je te parle d’elle, parce que je n’arrive plus à me contenir. Parce que j’ai essayé, mais que ça m’est impossible. « Désolé », ajouté-je en reboutonnant ma chemise. Désolé de ne pas pouvoir te donner ce que tu souhaites, Léa. De ne pas pouvoir t’embrasser, être à toi un instant. Te donner l’impression d’être aimée. Désolé d’être aussi stupide. Désolé..
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyMer 29 Jan - 10:10

Petrónella. Elle serait sûrement le lien entre eux. Leur point commun. Peut-être, alors, pourraient-ils apprendre à se connaître ? Grâce à son amie. Car, vraiment, Léa ne savait pas commencer développer une relation naissante. Et parler de Petrónella, elle le savait, contribuerait à la mettre en confiance. Ce n’était sûrement pas juste, pour elle si après tout, ils passaient leur temps à parler d’une autre fille. Peu importe. Au moins, Léa aurait quelqu’un à qui parler. Elle n’évoquerait certes que les côtés positifs de la jolie brune. Elle avait promis de ne rien révéler. Jamais. Même si son cœur et sa raison la priait de rompre cette promesse. Le poids était beaucoup trop lourd, pour elle. Elle aurait aimé ne jamais rien voir. Elle aurait aimé se sentir capable d’avancer dans la pénombre et arrêter l’homme violent. Lui prier de ne pas continuer, car ils foutraient leur vie en l’air. La sienne, celle de Petrónella, celle de Léa et surtout celle de l’homme affalé à terre. Cet homme qui perdit la vie, ce soir-là. Des flashs de ces images horribles, pleines de sang, viennent perturber Léa, qui sursaute très légèrement, et ferme les yeux pour oublier, penser à autre chose. Alors, elle regarde Alistair et pousse un petit soupir, reprenant peu à peu un rythme de respiration normale. « Je n’en doute pas » dit-il. Et elle voit dans son regard qu’il brûle d’envie de parler de son amie. Elle sourit. Elle comprend. Tous ceux ayant un jour posé les yeux sur Petrónella se sont sentis envoûtés. Elle ensorcelait les gens, d’un regard, d’un sourire. Elle était loin d’être méchante, pourtant. Elle avait juste une capacité étrange à captiver les gens. Comme elle avait captivé Léa des années plus tôt. Léa lui donnerait tout. Tout. Sa vie, son cœur, son amitié, son amour. Elle lui avait demandé le silence, alors Léa lui avait accordé, même si cela finirait probablement par la détruire. Le plus grand sacrifice pour la plus grande des amies. Car Léa n’avait qu’elle. Elle lui consacrait tout son temps, toute son attention. Il serait peut-être temps de changer, pourtant. En regardant Alistair, Léa se disait que, finalement, avoir un autre ami ne serait finalement pas si mal. Elle ne pourrait certes pas l’aimer autant que Petrónella – son cœur ne serait pas assez grand, pour deux, et puis, elle ne voulait pas vraiment aimer Alistair autant que Petrónella, car cela pourrait se transformer en amour. Et non, non, l’amour, ce n’est pas pour Léa. Surtout pas avec lui, lui qui ne l’aimera jamais en retour.

« Tu n’es pas comme elle, n’est-ce pas ? » Elle ouvre de grand yeux, surprise, et finit par secouer la tête, de gauche à droite, pour lui dire que non, elle est n’est pas comme Petrónella, du tout. « Petra est plus… confiante ?! Elle sait, aussi, comment prendre la vie du bon côté. » Contrairement à Léa, dont l’esprit était ancré d’un pessimisme quasiment interrompu. « Tu penses que tu vaux moins qu’elle. Et pourtant… Tu es belle, gentille, douce » La voilà qui rougit violemment. Car Léa n’est pas habituée aux compliments. Surtout pas à ce qu’on lui dise qu’elle est belle. Belle. Elle passe une main dans ses longs cheveux blonds, et finit par hausser les épaules. Elle ne se trouve rien de particulier. Elle ressemble même aux autres filles. Elle ne voit pas son regard glacial, qui pourrait, si elle laissait cela arriver, en séduire plus d’un. Elle ne voit pas, pourquoi, le regard empli de jalousie, des autres filles. Léa ferme les yeux sur le monde qui l’entoure. Léa se considère comme étant quelconque. « Je suis comme les autres. » dit-elle, pour se rassurer. Elle aimerait vraiment être comme les autres : ne plus avoir peur, voir le monde avec un regard bienveillant, mais elle n’y arrivait pas. Les réprimandes, les critiques de son enfance avaient laissé des traces. « Je donnerais beaucoup pour avoir une amie comme toi ». Elle continue de rougir, ne peut pas s’empêcher. « Merci. » répond-t-elle simplement. Car une telle phrase signifie énormément, pour elle. Elle qui pensait ne jamais avoir d’autres amis, voilà qu’Alistair lui proposait d’être le sien. Elle n’a rien besoin d’ajouter : il saura très bien qu’elle aimerait être son amie, également, à défaut de pouvoir être quelque chose d’autre. Il semble doux, avenant. Si différent, finalement, de l’image qu’il dégage. Elle se sent rassurée, désormais, à ses côtés. Il finit par détourner le regard pour prononcer cette phrase : « Elle est différente » et Léa comprend qu’il s’en veut. Mais, elle, elle ne lui en veut pas. « Désolé » conclut-il. Elle sourit, avec entrain, lui dévoilant pour la première fois ses dents blanches. Son sourire merveilleux. Qui rend son visage tellement plus serein, plus joyeux. Qui la rendrait presque différente. Elle sait, elle sait qu’il s’excuse pour parler sans arrêt de Petrónella, mais aussi parce que, peut-être, son cœur est déjà pris. Il ne peut pas lui donner, mais elle ne s’en formalise pas. A vrai dire, elle ne saurait pas vraiment quoi faire avec. « Elle est indescriptible. » acquiesce-t-elle. Peu de mots peuvent vraiment décrire l’originalité de Petrónella. Elle, elle n’est pas comme les autres. Puis, Léa pose sa main sur la cuisse d’Alistair, sans arrière pensée, mais pour le prévenir. Elle dit, d’une voix inquiète : « Mais tu devrais faire attention. Ne pas trop t’attacher. Ce ne serait pas… bien. » Il finirait par se brûler les ailes. Elle ne dit pas ça par jalousie, non, mais bien par peur. Car, elle sait ce dont Ragnar est capable, et même si Alistair ne cherchait que l’amitié de Petrónella – ce dont elle doutait – son cousin, son amant ne l’accepterait pas. Léa ne voulait pas qu’Alistair subisse le même sort que l’autre. Elle ne pouvait pas l’accepter, alors elle prévenait le prévenir. Elle espérait qu’il l’écoute, mais elle avait lu assez sur les cœurs amoureux, épris d’une autre personne, pour savoir que, dans ces moments-là, on n’écoute que sa propre personne et oublie le monde autour de soi. Pauvre Alistair. Pauvre, pauvre Alistair. Il ne sait pas où il met les pieds.
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyJeu 30 Jan - 15:49

Un instant, je me demande ce que ça peut faire d’avoir une amie comme Léa. Quelqu’un qui se préoccupe de vous, qui vous trouve admirable en tous points. Qui ne recherche pas de contrepartie, mais souhaite juste être sincère avec vous. Qui vous aime pour ce que vous êtes. Les seules personnes que j’aie connues qui auraient pu être mes amis, mes véritables amis, sont passées à autre chose. Toutes ces filles pour qui j’ai été, à un moment-donné, plus qu’un simple camarade ; de l’histoire ancienne, qui s’efface comme une empreinte dans le sable. Pour la blondinette et la jolie brune, c’est différent. Léa semble exprimer pour Petrónella des sentiments presque amoureux, et au fond, je les envie. Parce qu’elles ont quelque chose à quoi se raccrocher. Une personne vers qui se tourner quand tout va mal. Alors que moi, je suis si seul, sans vouloir vraiment me l’avouer. Je regarde Léa. Je repense à ses mots, quelques instants auparavant. « Je suis comme les autres ». Un ton catégorique, sans appel. C’est pour ça que tu préfères parler d’elle, hein ? Parce qu’elle est exceptionnelle et que toi, tu ne l’es pas. Mais peut-être que tu as tort. Peut-être es-tu plus rare encore qu’elle. Jolie Léa qui n’attend pas les compliments. Qui se dénigre, se rabaisse. Adule les autres, les flatte, parce que c’est plus facile pour toi, sans aucun doute. Elle sourit soudain, d’un sourire que je ne m’attendais pas à voir un jour sur son visage. Lèvres pliées en demi-lune, dévoilant ses dents parfaites. « Elle est indescriptible » avoue-t-elle, et je déglutis. J’aimerais lui confier ce que j’ai sur le cœur, car je n’ai personne d’autre à qui dire ce genre de chose. J’aimerais lui dire que ce n’est pas mon habitude, mais que Petrónella m’a charmé dès le début. Que je revois constamment son visage ; ses grands yeux noisette, ses longs cheveux bruns, ses joues roses ornées de fossettes. Que je me demande en permanence si elle m’apprécie, même si nous nous connaissons à peine. Cela ne m’était pas arrivé depuis Diane, six ans plus tôt. À vrai dire, je pensais que ça ne m’arriverait plus jamais. Oui, Petrónella est indescriptible. Et c’est sans doute ce qui m’effraie, terriblement. J’ignore qui elle est, ce qu’elle aime. Je ne connais pas sa couleur préférée, la chanson qui la rend triste. Autant de choses que je ne saurai peut-être jamais. Et Léa confirme mes pensées avec quelques mots. « Mais tu devrais faire attention. Ne pas trop t’attacher. Ce ne serait pas… bien ». Bien ? J’ignore ce qu’elle veut dire. Ce qu’elle insinue. Comment pourrais-je le savoir, après tout ? Petrónella lui a-t-elle dit que je ne lui plais pas ? Qu’elle a rencontré un garçon incroyablement ennuyeux qu’elle aimerait ne jamais revoir ? Je regarde Léa, scrute un instant son visage pourtant insondable. Je sens à peine la main qu’elle a posée sur ma cuisse. « Elle me plait » dis-je simplement, d’une voix presque dure. « Et à moins qu’elle n’en ait aucune envie, je veux la connaître. Je veux qu’elle me connaisse » ajouté-je. Je baisse les yeux, pose ma main sur les doigts fins de la jolie blonde, les caresse un instant. Une intimité nouvelle, à laquelle nous ne sommes pas préparés. Pourtant, rien ne semble incongru. Peut-être est-ce là la si précieuse amitié dont nous parlions quelques instants avant. Je relève les yeux au bout de quelques secondes seulement. De longues secondes pendant lesquelles je m’interroge sur ce que je devrais dire. Et finalement, je sais. Parce qu’il est évident que Léa parle de moi, en réalité. Parce qu’il est inconcevable que ce qui n’est pas bien vienne de Petrónella. « Je sais que tu t’inquiètes pour elle, je connais ma réputation… Je sais que tu veux la protéger… ». Elle s’apprête à m’interrompre, mais je serre doucement sa main dans la mienne. « Laisse-moi finir, je t’en prie ». Sinon, je ne pourrai jamais te le dire. Parce que j’ignore pourquoi je ressens tout cela pour quelqu’un que je connais à peine. J’ai peur, et je risque de ne plus avoir les mêmes sentiments demain, parce que j’aurai trop honte, parce que j’aurai envie de la préserver. Alors laisse-moi parler. « Mais je ne suis pas quelqu’un de mauvais. Je ne ferai jamais de mal à qui que ce soit. Surtout elle » dis-je dans un murmure, mes iris sombres contemplant les siens, si clairs, si bleus. Je la sens se raidir un instant, sans savoir pourquoi. « Ne t’inquiète pas ». Ma main trouve rapidement sa joue, la caresse doucement. À quoi penses-tu, douce Léa ? Regrettes-tu de m’avoir parlé de Petrónella ? De t’être rendue compte que j’avais bien trop de sentiments pour ton amie, et pas assez pour toi ? Surtout, surtout, de quoi as-tu peur ? Je l’ai vue quelques instants plus tôt. Je l’ai vue tressaillir, fermer les yeux. J’ai presque entendu son pouls augmenter. Et je suis à mille lieux de savoir ce qui la fait trembler.  Mes doigts glissent doucement dans ses cheveux, et je l’attire contre moi. Parce qu’elle est la première personne depuis des années à qui j’ose me confier. Avec qui j’arrive à être moi-même sans véritablement faire d’effort. Une amie ? Peut-être. Même si j’ai l’impression que je suis loin de tout savoir sur Petrónella et elle…
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyLun 10 Fév - 18:58

Une fois encore, il n’écoute pas, il s’entête, continue de croire, croire à ce qu’il ne devrait pas. Espérer. Comme un enfant, comme un idiot. Elle devrait s’énerver, lui crier qu’il fait n’importe quoi, qu’il ferait mieux de se sauver, loin, bien loin de Petronella avant qu’il ne soit trop tard. Mais non, non, elle le regarde, un peu stupéfaite, alors qu’il refuse son conseil avec aisance, sans grande inquiétude. Parce qu’il se sent capable, il se sent irrésistible. Il veut aller plus loin, il veut découvrir Petronella sous tous les angles. Mais il ne faut pas, il ne faut pas. Léa soupire, un soupir que l’on peut à peine entendre, mais dans lequel on pourrait découvrir tout le poids du monde. Celui qu’elle porte sur ses épaules, tant bien que mal. Un fardeau. Un fardeau bien trop lourd pour une jeune fille chétive comme elle. Elle ne sait pas comment s’en débarrasser. On ne lui a pas appris à envoyer balader les choses – ou les gens – qui ne lui conviennent pas. « Elle me plait » Elle hausse les épaules. Et alors ? Eh bien, quoi ? Est-ce une excuse suffisante pour vouloir foutre sa vie en l’air, et celle de Petronella ? Et la sienne, en passant. Parce qu’elle ne supporterait pas de voir souffrir sa meilleure amie. Et surtout, parce qu’elle ne voulait plus avoir de sang sur ses mains, sur sa conscience. Elle me plaît… Stupide enfant. Lui s’en fiche. Ragnar se fiche de savoir que sa cousine, sa fiancée – peu importe ce qu’elle était vraiment – plaise à un autre homme. Lui, lui ne supportera pas que l’on s’approche d’elle. Il est capable du pire, Léa l’a vu faire. Et lui, face à elle, la regardant avec des yeux amoureux en songeant à une autre. Elle n’en pouvait plus de cet amour, ce sentiment étrange qui grouillait autour d’elle. Il la connaissait à peine. Pouvait-on aimer aussi vite ? Elle ne savait pas, elle n’avait jamais su. Peut-être. Si l’on rencontre la bonne personne. Elle avait trouvé Alistair attirant. Certes. Son cœur avait battu un peu vite quand il avait posé le regard sur elle. Certes. Mais elle ne l’aimait pas. Pas autant, pas comme ça. Elle n’était pas amoureuse. Et tant mieux, tant mieux. S’il avait choisi sa meilleure amie à sa place, cela l’aurait détruit, tué, et elle n’aurait rien fait. « Et à moins qu’elle n’en ait aucune envie, je veux la connaître. Je veux qu’elle me connaisse » Egoïsme. Pur et dur. Je veux, je veux. Elle a envie de lever les yeux au ciel, mais par respect, ne fait rien. Elle baisse les yeux vers sa main et la sienne, il caresse ses doigts lentement et elle frissonne, tout en ayant envie de s’enfuir. Elle murmure : « Peut-être qu’elle… » Peut-être qu’elle n’en a pas envie. Mais, elle ne continue pas sa phrase. Pour ne pas le blesser. Pourtant, il finira par avoir ses ailes brûlées. Un jour ou l’autre. Et très vite.

Le silence s’installe, et Léa s’imagine que la conversation est close. Qu’elle n’a plus rien à ajouter. Elle ne peut rien faire contre son entêtement, elle ne se sent pas assez forte. Mais lui, lui reprend. Il a besoin de se justifier, encore, et encore. « Je sais que tu t’inquiètes pour elle, je connais ma réputation… Je sais que tu veux la protéger… » Elle fronce les sourcils, ouvre et la bouche, il ne comprend pas. « Mais… » Il l’interrompt. Serre sa main. « Mais je ne suis pas quelqu’un de mauvais. Je ne ferai jamais de mal à qui que ce soit. Surtout elle » Quel idiot. Elle a presque envie d’éclater de rire, elle qui ne sourit jamais. Il ne semble vraiment pas réfléchir. Il pose sa main sur sa joue, puis la glisse dans ses cheveux et l’attire à elle. Mais elle ne veut pas. Elle parvient à se dégager, sans vraiment comprendre pourquoi, et se recule, les joues rosies par la colère. Parce qu’il l’énerve. Il l’énerve à faire semblant de ne pas saisir ses propos. Elle sait, elle sait qu’il ne veut pas faire de mal à sa meilleure amie. Elle le sent dans ses mots, ses gestes. Elle sait qu’il n’est pas fondamentalement mauvais. Elle sait tout ça, elle n’a pas besoin qu’on le lui répète comme on répète les choses à une enfant qui doit apprendre, qui doit comprendre comment fonctionne la vie. « Mais je ne parle pas de toi. » parvient-elle à articuler, entre deux souffles, entre ses dents. « Et je ne m’inquiète pas pour elle. » Parce qu’elle est assez grande pour se défendre seule. Petronella est assez forte pour se débrouiller, et surtout, surtout, Ragnar sera toujours là, quelque part, derrière elle, pour venir la secourir si besoin. Ou juste pour marquer son territoire. Elle se lève et lui fait face. Lui qui a du mal à comprendre ce changement de situation. Elle, si calme, si douce, celle que l’on entend jamais. La voilà devant lui, à faire les cent pas, se mordillant nerveusement la lèvre. Et elle s’arrête, le regarde, le dévisage même. Elle plisse les yeux et déclare lentement : « Son cœur est déjà pris. Personne ne pourra changer ça. Même pas toi. » Même pas toi et ton sourire ravageur, tes yeux pétillants, ta bouche - cette bouche – tes dents blanches. Toi et cette allure si belle, si séduisante. « Tu ferais mieux de laisser tomber. Maintenant. » Tu n’as rien à gagner dans cette relation. Elle espère, cette fois, qu’il comprend ce qu’elle veut lui dire, ce qu’elle voudrait lui crier, mais elle n’a pas la force. Si elle pouvait, elle lui prendrait la main, là, mainenant, et l’emmènerait loin, le forcerait à oublier les yeux sombres de Petronella, ceux dans lesquelles Léa s’était si souvent plongé. Ces yeux qui vous emmènent ailleurs et vous font croire au bonheur, à l’éternité. Ces mêmes yeux qui ne lui apporteront que malheur. Alors, Alistair, réveille-toi et écoute-la. Cette petite hirondelle qui ne fait que veiller sur toi, depuis le début. Ecoute-la.
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyLun 10 Fév - 19:51

Si j’ai toujours eu confiance en moi, en mon potentiel de séduction, je ne suis pas crédule pour autant. Je suis pertinemment conscient que je puisse ne pas plaire, ou tomber sur des filles dont le cœur est déjà pris. Mais lorsque je repense à Petrónella, à cette journée que nous avons passée ensemble quelques jours plus tôt, je ne sais plus quoi penser. Une partie de moi doute qu’elle m’apprécie vraiment. L’autre a confiance, parce que nous avons commencé à construire quelque chose de fort, basé sur un respect mutuel et une complicité qui, bien que nouvelle, semble bâtie sur de bonnes bases. Mais Léa remet tout en question. Lorsque je l’étreins, elle me repousse, semble s’énerver. Impossible pour moi de deviner ce qu’elle pense à ce moment-là. Un instant, je me surprends à penser qu’elle puisse me dissuader de courtiser Petrónella pour m’avoir pour elle seule. Mais là encore, je ne suis pas idiot. Si je lui plais physiquement, je sais qu’elle n’apprécie pas la personne qu’elle découvre depuis plusieurs minutes. Je suis à l’opposé de ce qu’elle pensait. Parce que pour elle, être un rebelle, c’est être une mauvaise graine. Qu’importe que l’on soit riche ou roturier. Non, elle ne me veut pas, définitivement. Elle veut simplement me mettre en garde, mais j’ignore contre quoi. « Mais je ne parle pas de toi, dit-elle dans sa barbe. Et je ne m’inquiète pas pour elle ». Je fronce les sourcils, déglutis. J’ignore où elle veut en venir, et ça me terrifie. J’ai l’impression qu’elle a peur, vraiment peur. Elle se lève, commence à faire les cent pas. Cette danse macabre qui ne laisse jamais place à quelque chose de bon. Elle s’arrête et me regarde, les yeux plissés, et parle avec une froideur que je ne lui connaissais pas encore. « Son cœur est déjà pris. Personne ne pourra changer ça. Même pas toi ». Même pas toi le beau parleur aux grands yeux et au sourire ravageur, pense-t-elle sûrement. Moi qui me targue d’avoir toujours tant de succès. Pour le coup, je tombe de haut, mais je ne le montre pas. Mon visage reste impassible, pour une seule et bonne raison. Je sais ce que Petrónella et moi sommes en train de vivre. Ce lien indéfinissable qui nous a unis si rapidement ; ce voyage à dos d’Abraxan inoubliable. Un moment comme tant d’autres, qu’elle avait su rendre magique. Léa ne sait rien de tout cela. Elle sait simplement que Petrónella ne devrait pas flancher devant moi, se noyer dans les yeux. Parce que ce n’est pas bien. Un cœur n’est jamais pris éternellement. J’en ai déjà fait la douloureuse expérience. Léa semble plus jeune que moi. Elle n’a pas dû me connaître avec Diane. Dégoulinant d’amour, jusqu’à ce qu’elle me quitte. L’amour ne dure jamais. Celui de Petrónella n’est pas différent des autres. Et oh, bien sûr, j’imagine l’autre possibilité. Qu’elle ne veuille vraiment pas de moi. Qu’elle retourne dans les bras de son premier, sûrement son unique. Un nordique, à tous les coups. Mais je ne veux pas me dire que nos moments passés ensemble ne comptent pas. « Tu ferais mieux de laisser tomber. Maintenant » ajoute-t-elle, me tirant de mes pensées. Une phrase balancée en bloc, comme une sommation. Elle sait pertinemment que je ne l’accepterai pas, car elle doit me connaître, au moins de réputation. Je n’ai pas l’habitude de lâcher quoi que ce soit. De faire des compromis. Et Petrónella. Renoncer à elle, cela m’est impossible. Pas dans l’état actuel des choses. Pas alors que de toute évidence, un stupide coup de foudre m’a frappé, alors que je croyais cela impossible. Je la regarde fixement, et au bout de quelques secondes, je brise le silence. « D’accord ». D’accord. Je comprends ce que tu veux dire. Je comprends qu’elle est prise, que tu ne veux pas qu’elle ait le cœur entre deux hommes. Mais les sentiments ne sont pas si faciles à manipuler. Être juste ami avec Petrónella. C’est possible. Je l’ai déjà fait. Et ça ne me dérangerait pas, si elle le souhaitait. Mais je comprends que Léa ne veut pas simplement que j’arrête de la courtiser. Elle veut que je sorte de sa vie, tout court.

Je la dévisage, longuement, puis détourne le regard. La vérité crue, abjecte, inacceptable, est difficile à avaler. Savoir que pour le bien-être de Petrónella, il faudrait que je m’incline. Que je sorte du tableau. Autant en duel qu’en amour, je n’ai pas l’habitude de lâcher le morceau. Mais Léa semble bouleversée, et je suis persuadé qu’elle me cache des choses. D’autres choses, bien plus graves, qu’elle n’ose pas me confier. « C’est elle qui t’a demandé de me dire ça ? ». C’est stupide de lui poser cette question, mais c’est la seule qui me vienne à l’esprit. Je serais blessé de m’apercevoir soudainement que Petrónella n’a pas ressenti la même chose que moi. Qu’elle n’a pas éprouvé quelque chose quand nous avons partagé ces moments particuliers. Des instants qui, pour moi, étaient beaux, uniques, intenses. Mais qui, pour elle, n’étaient peut-être rien. Je me sens stupide, si stupide. Je recule, cale mon dos au dossier du banc, toujours sans regarder Léa. Belle Léa qui n’a pas mâché ses mots, n’a pas cherché à me cacher la vérité. Je devrais lui être reconnaissant, mais à vrai dire, j’ignore ce que je ressens. De la haine. De la frustration. Par-dessus tout, de l’incompréhension.
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyDim 6 Avr - 8:38

La passion. La tendresse, l’amour, presque. Léa comprenait. Du moins, elle essayait de comprendre. Toutes ces choses, elle ne les avait jamais ressenties. Elle n’avait jamais été victime d’insomnie parce qu’elle n’arrêtait pas de penser à lui, ou elle, cette personne qui lui ouvrirait ses bras. Qui lui montrerait le monde tel qu’il était vraiment. Qui déposerait de doux baisers sur son front, son nez, ses lèvres. Elle n’avait même jamais rêvé de cet amour qui pouvait la consumer. Qui brûlerait son corps, son âme entière. Elle ne rêvait que de tranquillité, d’un monde normal. Là où rien ne viendrait déranger son calme paisible. Elle rêvait d’oublier ces images, qui se répétaient encore et encore, en boucle, ne lui laissant pas un instant de répit. Elle oubliait parfois la petite fille qu’elle avait été, heureuse et pleine de vie. Celle qui souriait à n’importe quoi, à n’importe qui. Celle qui savait se protéger contre les remontrances de ses parents. Elle avait oublié tous ses petits secrets qui la maintenaient en vie. Elle avait oublié combien elle aimait passer du temps, assise dans l’herbe, à cueillir les fleurs autour d’elle, se faire des couronnes fleuries, en faire même pour Petronella. Elle avait oublié qu’elle rêvait de devenir une grande sorcière, que tout le monde respecterait, adulerait, même sa mère, même son père. Surtout son père. Désormais, elle ne connaissait plus que la peur. Elle était terrifiée à longueur de journées. Elle fuyait les autres car, qui sait, en chacun se cachait peut-être un autre Ragnar ? Elle ne voulait plus revivre une chose pareille. Jamais plus.

Et lui ? Lui, qui la regardait avec méfiance, à présent. Avec incompréhension. Pourquoi ? Pourquoi, se demande-t-il sûrement ? Pourquoi refuse-t-elle qu’il fréquente sa meilleure amie ? Elle a envie de lu crier la vérité, que son petit-ami n’est qu’un assassin de misère et qu’il finira probablement par le tuer, lui aussi. Peut-être qu’elle devrait oublier, se dire qu’après tout, tout cela ne la regarde pas. Ne plus jamais poser son regard sur lui. Mais, elle ne pouvait pas. Sans vraiment comprendre pourquoi ni comment, elle se sentait concernée. Alors, elle lui explique. Elle perd son calme, certainement. Elle oublie de maîtriser sa colère – mais finalement, elle n’a jamais appris à le faire. Léa n’a jamais réellement exprimé sa colère. Jamais. Elle préfère toujours tout enfouir en soi ; ses sentiments, son chagrin, son désespoir et sa peur. Il la regarde, incrédule. La petite poupée blonde, à la peau blanche, aux yeux bleus glacials, perd toute dignité, toute droiture. Elle n’est plus qu’une enfant fébrile. Prête à pleurer. Une fois de plus. Elle ne comptait plus les larmes qu’elle laissait couler ses derniers jours. Sans raison. Mais comme un besoin intense de laisser parler son cœur, son corps, rien qu’une fois. « D’accord » finit-il par acquiescer. Elle lève la tête vers lui, cligne plusieurs fois des yeux, puis soupire. Elle se détestait. Elle n’avait pas voulu ça. Elle n’avait pas voulu le rendre triste. Elle faisait cela pour son bien, mais comment le lui faire comprendre ? Comment lui faire ouvrir les yeux ? Elle percevait son obsession, pourtant. Bizarrement, elle éprouvait le même type de sentiments confus pour son amie. Une obsession grandissante de jour en jour. Elle rêvait de Pétronella, souvent. De ses grands yeux noirs, son sourire angélique. Sa voix tendre et ses mains douces. Elle rêvait de l’avoir près d’elle, chaque jour de sa vie. Pouvoir lui parler, la toucher, la regarder rire, écouter le son de sa voix, partager ses rêves, son bonheur. Pétronella était son ange tombée du ciel. Celle qui la maintenait en vie. Alors, au fond, peut-être n’aimait-elle simplement pas que trop d’hommes lui tournent autour ? Parce qu’elle voulait la garder pour elle. Mais non, non, se dit Léa, elle ne veut simplement pas qu’un malheur arrive. Un de plus.

Il détourne le regard et, amèrement, demande : « C’est elle qui t’a demandé de me dire ça ? » Elle finit par s’accroupir devant lui, et cette fois, c’est elle qui pose sa main sur celle du garçon. Il se tourne à nouveau vers elle, elle le voit déglutir et elle sait qu’il craint sa réponse. Léa ne veut pas être méchante, mais elle préfère ne pas mentir. Alors, d’une voix douce et tremblante, elle déclare : « Pétronella ne m’a même jamais parlé de toi. » Et cette souffrance. Cette souffrance que l’on entendait dans sa voix. Elle savait que cela blesserait Alistair. Mais, en réalité, Léa était elle aussi blessée. Parce que Pétronella ne lui avait vraiment pas parlé du jeune homme. De son air sombre et ténébreux. De son sourire à vous faire mourir. Non, elle ne l’avait jamais évoqué ; pas même un sous-entendu. Elle souffrait, parce qu’elle se sentait mise à l’écart. Sa meilleure amie lui confiait tout, d’ordinaire. Mais là, là. Le silence. Léa était perdue, elle n’était pas habituée à cela. Elle se relève, chasse ces larmes incessantes qui lui montent encore aux yeux, et jette un coup d’œil au parc autour d’eux. Le charme à la française. Elle se souvient, alors, de ces vieilles chansons françaises – de cette souffrance évoquée, la perte d’un amour, oh mon amour, de l’aube claire jusqu’à la fin du jour, je t’aime encore, tu sais – et elle pense à Alistair. Etait-il déjà complètement épris d’elle ? Serait-il incapable de s’en défaire ? S’il avait le cœur romantique et brave, il se battrait peut-être. Mais, il ne faut pas. D’un murmure, elle finit par dire : « Laisse la partir. » Elle se mord la lèvre, pour s’empêcher d’en dire plus. Pour s’empêcher de lui expliquer ses raisons. Les raisons qui finiraient par le tuer.
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyMar 8 Avr - 17:30

L’amour est un sentiment étrange, indéfinissable, incontrôlable. L’amour fait mal, l’amour fait peur, l’amour brise et l’amour construit. Aimer est futile, ingrat, stupide. Aimer, c’est se heurter à des murs, c’est prendre des claques, mais c’est aussi rebondir. C’est aussi changer, évoluer. C’est apprivoiser quelqu’un, apprendre à lâcher prise de temps en temps. Mais c’est aussi oublier, quitter. Parce que parfois, c’est le seul acte d’amour possible. Je l’ai fait pour Diane, je le ferai pour Petrónella. Mais d’un autre côté, ça me coûte de penser ça. De me dire qu’abandonner l’Islandaise est peut-être l’unique solution. Dans tous les cas, je crains de la revoir. Depuis l’attentat, tout a changé. J’ignore si je pourrais redevenir celui qu’elle avait trouvé charmant, il y a quelques jours de cela. Parce que je suis amer, parce que je suis blessé. J’ai besoin de me reconstruire. Et j’ai besoin de le faire seul. Léa s’accroupit face à moi, comme si elle comprenait les pensées qui m’habitent. Mais elle n’a aucune idée. Parce que la belle et douce Léa ne connaît rien à l’amour. Elle pose sa main sur la mienne, m’incitant à la regarder. Je ne veux pas vraiment qu’elle me réponde, en réalité. S’il s’avérait que Petrónella ne m’apprécie pas, j’aurais mal. Pas forcément parce que je penserais à une potentielle histoire d’amour impossible ; surtout parce que devoir l’oublier serait difficile. Pourtant je le sais bien : aimer, c’est oublier. Mais pas avec elle. « Petrónella ne m’a même jamais parlé de toi » affirme-t-elle d’une voix tremblante, et je dois observer ses yeux quelques instants pour savoir si ce n’est pas une plaisanterie. Mais Léa semble sérieuse. Et lorsqu’elle se relève et détourne le regard, je crois comprendre. Léa a peur. Peur parce que Petrónella ne lui a rien dit à propos de notre promenade autour du château. Peur parce que si elle ne lui a rien dit, c’est qu’elle se sent coupable de quelque chose. C’est qu’elle cache quelque chose. Elle cache des sentiments.
Les cheveux de la blonde volent lentement au gré du vent. Léa est belle, très belle. Si belle que si je n’avais pas mon esprit perturbé par Petrónella, je pourrais vouloir d’elle. Pas seulement pour son physique qui ferait pourtant pâlir d’envie plus d’un garçon. Léa est douce, sage. Brillante. Elle est réservée, timide même. Et elle est malheureuse, aussi. Cette tristesse irradie, sans que l’on en sache la raison. Elle semble en proie à un conflit intérieur. Et j’aimerais l’aider, tellement, mais son silence me plonge dans la confusion, tout autant que ses paroles. « Laisse la partir ». Un murmure, un simple murmure. Léa, qui prend une nouvelle fois le soin de me mettre en garde. Contre quoi ? Je l’ignore. Quelque chose d’immatériel. Quelque chose de dangereux, de pesant, de traumatisant si j’en crois son air si triste. Quelque chose qu’elle n’arrive pas à occulter. Et pourtant, elle ne s’inquiète pas pour Petrónella ; c’est ce qu’elle m’a dit quelques instants auparavant. Je me lève à mon tour, gémissant lorsque la douleur enrobe mon épaule. Autour, tout est calme. Seuls le bruissement du vent et le pépiement des oiseaux troublent le silence. Je suis résigné. Après tout, je ne connais pas suffisamment Petrónella pour me battre. Pour lutter contre un ennemi inconnu. « Je vais m’éclipser. Je vais faire comme si elle n’existait pas, comme si je ne l’avais jamais rencontrée. Je vais faire semblant. C’est ma spécialité ». Faire semblant, je connais. Avec toutes ces filles que je n’ai pas revues. Avec mes parents. Avec Claude Desfontaines. Avec Diane. « Mais avant, je voudrais que tu répondes à une question ». Je sens Léa se crisper. Sans doute parce que je suis proche d’elle et qu’elle peut sonder mes grands yeux noisette. Qu’elle peut voir que ce que je vais lui demander est important. Je l’observe un instant, hésitant. Et finalement, je murmure, en prenant soin de détacher chaque syllabe des autres : « Si tu ne t’inquiètes pas pour elle, pour qui t’inquiètes-tu ? ».

Je connais la réponse. Je sais que c’est pour moi qu’elle se fait du souci. Mais il n’y a aucune raison. En omettant le fait qu’elle ne me connaisse pas, je suis suffisamment grand pour me défendre. Pour affronter les problèmes. Je suis un futur Auror. J’ai bondi dans les flammes pour sauver les Desfontaines. Pour sauver Diane. Je suis courageux, je n’ai pas peur. Léa a pourtant dû m’idéaliser. Je le vois dans sa manière de me regarder. De me détailler, de soupirer inconsciemment. De cligner des yeux, de pincer ses lèvres. Sans baisser les yeux, je cherche sa main. Je la prends dans la mienne, doucement. Si proche que l’on pourrait penser à plus que de l’amitié, même s’il n’en est rien. Je crois en Léa. Je crois en sa sincérité. Mais je sais aussi qu’elle me cache beaucoup de choses. Et si je ne tenais pas à Petrónella, cela me serait égal. Mais l’Islandaise m’intrigue, m’attire. Et tout ce secret autour d’elle me dérange, tellement que j’aimerais la bousculer, lui dire de se confier à moi. Lui assurer que si elle court un quelconque danger, je peux l’aider. Je peux faire en sorte qu’elle y échappe. « Léa » je murmure, les iris plantés dans les orbes transperçantes de la blonde. Je me crois insubmersible. Infaillible. Celui qui ne peut pas être battu. Celui qui frappe toujours au bon endroit, là où ça blesse, là où ça saigne. J’ignore ce que je devrais affronter pour Petrónella, ou même si j’aurais envie de le faire. Je sais juste que les deux jeunes femmes taisent leurs véritables pensées. Et si je dois mourir en apprenant la vérité, soit ; je meurs déjà de tout ignorer et d’être impuissant face à ce mystère.
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyMer 9 Avr - 13:32

Renoncer à ce dont on avait toujours eu envie ne devait pas être chose aisée, Léa le devinait. Elle, elle n’avait jamais renoncé à rien. Peut-être à l’amour, inconsciemment. A la joie de vivre, sûrement. Mais elle n’en avait jamais vraiment souffert, parce que finalement, elle n’avait jamais connu de tels sentiments. Quand elle plonge son regard dans celui d’Alistair, elle saura qu’il aura du mal à renoncer. Qu’effacer tous ces nouveaux sentiments prendra du temps. Mais il le faut, il le faut. Le pauvre garçon n’a pas le choix. S’il veut vivre, s’il veut continuer à sourire, il doit oublier. Ne plus jamais regarder en arrière. Oublier le doux nom de sa meilleure amie. Ne se concentrer que sur les souvenirs anciens qui avaient forgé sa mémoire avant qu’il ne croise le chemin de la jolie brune. Il avait peut-être aimé, avant elle. Aimer, vraiment. Plus qu’un simple désir charnel, plus que de la curiosité. Car Léa comprenait bien que, pour l’instant, Pétronella n’était que cela. Et c’était tant mieux. Un tel désir serait plus facile à rejeter qu’un amour déjà bien ancré. Du moins, le pensait-elle. Qu’en savait-elle, elle, celle qui avait ressenti pour la première fois quelques jours plus tard un mélange étrange de désir et de peur ? Rien. Elle n’en savait rien. Alors, certes, elle pouvait difficilement conseiller Alistair sur ce sujet. Elle ne pouvait que lui dire de courir, de s’enfuir loin. Elle ne savait pas que le cœur saignerait au plus la distance entre lui et la fille s’agrandirait. Elle ne savait pas tout ça ; elle ne le devinait même pas. Elle était réaliste, un peu trop. Elle oubliait que l’amour pouvait faire perdre la tête. Elle oubliait que l’amour vous faisait perdre tout bon sens et que, finalement, quand vous étiez amoureux, vous n’aviez peur de rien. De rien. Pas même de la mort.

Léa passe une main dans ses cheveux. Ses longs cheveux blonds, légèrement ondulés, qui tombent en cascade dans son dos. Ses cheveux qui font pâlir d’envie n’importe quelle fille. La beauté de ces cheveux qu’elle remarquait à peine. La beauté de son corps, de son visage qu’elle refusait de voir. Un corps dont elle ne connaissait pas le pouvoir. Elle sent le regard du garçon posé sur elle. Même si elle ne lui fait pas face, elle sait qu’il la regarde, qu’il la détaille attentivement et cette attention particulière la gênait. Elle finit par se tourner vers lui en même temps qu’il prononce ses premiers mots. Sa résignation. « Je vais m’éclipser. Je vais faire comme si elle n’existait pas, comme si je ne l’avais jamais rencontrée. Je vais faire semblant. C’est ma spécialité ». Elle ne comprend pas vraiment ce qu’il raconte, mais elle ne cherche pas à comprendre. Elle ne fait qu’acquiescer. « C’est une sage décision. » Sage. Léa oubliait que l’amour ne rendait personne sage, bien au contraire. Mais Léa ne savait pas tout ça. Pas encore. Elle en avait eu un aperçu pourtant. Quand elle s’était perdue dans les bras de… Qu’importe. Léa ne veut pas y repenser, pas maintenant. « Mais avant, je voudrais que tu répondes à une question » Elle se crispe. Parce qu’en scrutant son regard, elle sait ce qu’il lui demandera. Elle sait qu’elle devra parler, ne serait-ce qu’un peu – il ne la laissera pas s’en sortir aussi facilement. Elle respire lentement, et d’un signe de tête, l’invite à continuer. Alors, il lui demande. Qui, qui veut-elle protéger, si ce n’est pas Pétronella ? Qui, qui ? Léa, il veut que tu lui parles. Mais elle, elle aurait préféré garder le silence. Elle aurait préféré qu’il accepte ses conseils sans rechigner, sans poser de questions. Juste lui faire confiance. Comprendre qu’elle savait ce qu’elle faisait, ce qu’elle lui demandait. La main du jeune homme cherche celle de la jeune femme. Leurs doigts s’entremêlent, comme un couple amoureux l’aurait fait. Mais ils ne s’aiment pas, n’est-ce pas ? Pas de cette manière – même pas du tout. Après tout, ils venaient seulement de se rencontrer. Ils se parlaient pour la première fois. Et pourtant, une étrange intimité s’était mise en place entre eux. Comme s’ils se côtoyaient depuis des années. Comme si elle savait tout de lui, et lui tout d’elle. Comme s’ils avaient grandi ensemble, et que Léa partageait tous les secrets d’Alistair. Mais elle partageait les secrets de Pétronella. Et aujourd’hui encore, elle devait les garder. Jusqu’au bout. Jusqu’à la tombe.

Il prononce son nom, et elle lève des yeux incertains vers lui. Ils sont si proches, maintenant, qu’elle peut sentir son souffle sur sa peau. Leurs corps se touchent. De sa main libre, et d’un geste tendre, Léa pose sa main sur la joue du garçon. Elle le caresse lentement. Elle aurait pu l’embrasser – après tout, une courte distance les sépare à présent. Mais Léa n’embrasse pas les garçons. Seulement cet autre. Celui qui l’avait regardé, finalement, comme aucun autre. Pas même comme Alistair la regardait à présent. Iann. Iann. Léa revient à elle, il ne faudrait pas qu’elle pense à ça, maintenant ; ce n’est pas le moment. Il attend toujours sa réponse, et elle ne peut plus fuir. Elle recule un peu, son bras retombe le long de son corps, mais leurs mains restent enlacées. « Pour toi. » murmure-t-elle, d’un murmure inaudible qu’elle n’est pas sûre qu’il l’ait entendu. Et lorsqu’elle le voit froncer les sourcils, elle se racle la gorge. « Pour toi. » reprend-t-elle. Pour toi, pauvre fou. Il en veut plus, elle le sait. Alors, elle cherche ses mots. En dire assez, sans en dire trop. « Pétronella est entourée de secrets. Il vaut mieux pour toi de ne pas essayer de les déterrer. » Sa voix est redevenue froide, comme un dernier avertissement. Elle espère qu’il l’entendra. Qu’il reste à sa place. Et, bon sang, qu’il sauve sa peau. Léa ne veut pas avoir à enterrer un second garçon, dans la terre, dans sa mémoire. Léa ne veut pas revivre ce supplice. Léa veut le voir grandir, vivre et être heureux. Avec une autre, une autre. L’une de celles qui le comblera, sans qu’il ait pour autant à craindre pour sa vie. Une femme libre de toutes attaches. Une autre. Oh oui, une autre.
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MAJOR E LONGINQUO REVERENTIA
Alistair L. Adhémar
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyMer 9 Avr - 14:28

Léa si proche de moi. Léa pour laquelle je n’éprouve rien, si ce n’est de la sympathie. Elle est trop lisse, trop douce. Je lis en elle comme dans un livre. Elle est une évidence. Loin de Petrónella, loin – si loin – de Diane. Léa, je peux la déshabiller du regard, car elle ne cache pas grand-chose. À part ce secret. Ce grand mystère qui entoure sa meilleure amie et elle. Qui les enveloppe d’un voile énigmatique, qui fait d’elles de véritables charades impossibles à déchiffrer. Pourtant, je connais ce secret, en partie. Même si je suis sûr qu'elle me cache encore des choses, presque autant que Petrónella. Léa, lisible mais si fermée. Transparente mais si opaque. Sa main glisse sur ma joue, et si je m’interdis de ciller, je ne peux ignorer le frisson, long, lent, qui dévale mon échine. Un instant figé hors du temps, pendant lequel nous nous contemplons. Sa main retombe presque d’un coup, ballante, et elle recule un peu. Parce que Léa a peur de la proximité. Elle a peur de moi. Je m’apprête à parler, mais ses lèvres bougent soudain. Elle murmure une première fois, dans sa barbe. Impossible de comprendre ce qu’elle dit ; sans doute parce qu’elle ne veut pas le dire, parce qu’elle retient les mots autant que possible. Parce que les syllabes se cachent au fond de sa gorge, parce qu’il faudrait qu’elle les tousse, qu’elle les vomisse pour qu’elles sortent vraiment. Et puis, elle finit par lâcher la vérité. « Pour toi ».
Personne ne s’inquiète pour moi. J’en suis conscient, je l’assume, je le vis même plutôt bien. Ma mère a cessé d’être à mes petits soins depuis des années déjà. Ali est un grand garçon. Il peut faire ça tout seul. J’ai toujours été plus autonome que les enfants de mon âge, parce que je savais que je ne pouvais pas compter sur elle. Ça peut paraître triste, mais ça ne l’est pas tant que ça. Elle a souffert et a préféré m’oublier dans un coin plutôt que de m’élever, moi, l’enfant de cet homme qu’elle n’aimait plus. Elle m’a rejeté, d’une certaine façon, comme l’a fait Claude avant ma naissance. Ce n’est pas venu tout de suite, évidemment. Il a fallu attendre quelques années. Mais c’est arrivé, finalement. Parce qu’au final, je suis celui que l’on abandonne toujours au bout du compte. Que ce soit Claude, ma mère, ou Diane. Personne, personne ne s’inquiète pour moi. « Petrónella est entourée de secrets. Il vaut mieux pour toi de ne pas essayer de les déterrer ». Ma langue glisse sur mes lèvres. Je sais qu'un homme est mort, et que Petrónella n'y est pas étrangère. Qu'elle a quelque chose à voir avec sa disparition. Mais je sais que ce n'est pas tout, je sais qu'il y a plus de choses qu'elles tiennent éloignées de moi. Et si ces révélations sont si dangereuses – Léa est nerveuse, je le vois, je le sais –, pourquoi refusent-elles mon aide ? Pourquoi veulent-elles absolument me laisser en dehors de tout cela ? Et pour l’amour du ciel, pourquoi s’inquiètent-elles pour moi ?

J’aimerais lui dire de me révéler ces secrets dont je ne connais pas encore la teneur - mais qu'est-ce qui peut être pire qu'un désaxé mental assassinant le fiancé de la jeune slave -, de me faire confiance. Lui dire que tout ira mieux si je suis au courant, parce que je pourrai agir. Parce que je n’ai pas peur, et que je n’ai pas besoin que l’on ait peur pour moi. Mais je n’y arrive pas : parce que Léa a repris son air dur, parce qu’elle évite mon regard, parce qu’elle semble être vraiment terrifiée, et que tout cela me glace le sang. Ma main, qui enveloppe toujours la sienne, resserre doucement son étreinte. J’ai peur que Léa s’en aille, parce qu’elle est terrifiée. Qu’elle me laisse dans l’ignorance, encore et toujours. Je n’en peux plus de n’être au courant de rien. J’ai besoin d’être rassuré. De savoir qu’elles seront toujours en sécurité. « Si tu t’inquiètes pour moi, comprends que je m’inquiète pour toi ». Ce n’est qu’après quelques secondes que je me rends compte que je n’ai pas fait mention de Petrónella. Et j’ignore pourquoi. Bégayant presque, j’ajoute : « pour elle et toi ».
La vérité me saute aux yeux, me frappe comme une gifle en plein visage : je m’inquiète pour Léa. Celle que j’ai ignorée pendant des années, que j’ai à peine remarquée quelques jours auparavant. Celle qui semble m’apprécier plus qu’elle ne le devrait – parce que je ne suis pas quelqu’un de fréquentable, vraiment pas – et qui me regarde sans rien dire. Celle qui est fragile mais, je le pense, bien trop forte. Si les confessions qu’elles gardent en elles sont si abominables, elle doit être bien moins craintive que ce que je croyais. Mes iris dans les siens, je me rapproche, lentement. La distance qu’elle avait mise entre nous, je l’anéantis. Et lorsque nous nous retrouvons presque souffle contre souffle, je murmure, comprenant soudainement le fond du problème. « Qui a tué Margeir ? ». Elle cille. Les larmes sont au bord de ses yeux, alors que je déglutis, culpabilisant presque d'évoquer le sujet. Mais je sais que tout vient de là. Je sais que cette question est la seule qui puisse m'amener les réponses que je voudrais entendre. Je l’observe, n’ose pas bouger. Elle est belle. Mon regard se pose sur ses lèvres, pâles, comme deux boutons de rose au début du printemps, puis remonte doucement. Son nez, petit, gracieux, parsemé de tâches de rousseur. Enfin, ses yeux azurs, insondables mais traversés par un soupçon de frayeur sous l'effet de ma question. Et je découvre alors que loin d’être un livre ouvert, Léa est une énigme. Léa est un mystère à part entière.
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Léa Covilliers
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyVen 23 Mai - 8:32

Elle ne connaissait pas le garçon, finalement. Même s’ils se tenaient à quelques centimètres l’un de l’autre, même si parfois sa main avait glissé sur la joue de son partenaire, ils ne se connaissaient pas. Quoi que puissent en penser les gens qui passaient à côté d’eux, et les observaient d’un regard en coin, ils n’étaient ni amis ni amants depuis des mois, des années. Ils ne se connaissaient pas. Ils venaient de s’adresser la parole pour la première fois une demi-heure plus tôt. Alistair ne connaissait rien de Léa – mais ce n’était pas si exceptionnel : peu de personnes savait réellement ce que Léa cachait au plus profond de soi-même. Et Léa ne savait rien d’Alistair, hormis peut-être le fait qu’il s’était entiché de sa meilleure amie, alors qu’il n’aurait pas dû. Elle ne le connaissait pas, alors pourquoi s’entêtait-elle à vouloir lui faire entendre raison ? Pourquoi voulait-elle à tout prix lui faire comprendre que la fréquentation de Petronella ne lui apportait qu’ennuis et misères. Elle n’aurait pas du tant s’en préoccuper ; elle n’aurait pas du vouloir protéger le garçon. Mais, au fond, elle savait qu’elle faisait tout cela autant pour lui que pour elle-même. Car, elle ne voulait pas, une fois de plus, devoir pleurer un homme. Un homme qui s’était trop approchée de son amie. Elle en avait trop vu, elle en avait trop souffert. Elle faisait encore maintenant des cauchemars qui la réveillaient en pleine nuit, en sueur, la bouche pâteuse, et les larmes aux yeux. Elle rêvait d’un poignard plein de sang, et puis lui, Ragnar, qui avait finalement décidé de la tuer, elle aussi, parce qu’elle était un témoin dérangeant. Elle courrait, courrait à travers la forêt, elle sentait les ronces lui griffait les jambes nues, mais elle ne s’arrêtait pas, même à bout de souffle. Elle courrait, courrait, jusqu’à ce qu’une racine d’arbre la fasse trébucher, et qu’elle tombe à même le sol, la tête la première dans la terre séchée. Et là, derrière elle, se tient Ragnar, près à la poignarder. Un hurlement quand la lame pénètre à plusieurs reprises, de coups secs, le dos de Léa. Un dernier hurlement, et le réveil en sursaut. Après tout ce temps, Léa continuait d’avoir des sueurs froides, d’avoir peur. Il semblait impossible pour Léa d’oublier cette nuit sanglante. Et elle n’était vraiment pas prête à revivre un tel moment.

Mais elle ne pouvait pas lui dire. Elle avait juré à son amie de garder le secret ; et elle ne la trahirait jamais. Elle n’était pas comme lui, Ragnar, lui qui agissait avec violence et tourment quand quelque chose ne lui plaisait pas. Léa était douce, aussi calme que l’eau d’une rivière. Et pourtant, en elle, l’océan grondait. Si elle s’écoutait, elle pourrait exploser : de colère, de rage. Elle pourrait très bien sortir sa baguette et aller s’occuper personnellement de ce cousin islandais. Mais non, non. Il valait mieux qu’elle reste cachée, là où il ne pourrait pas la trouver. Là où il ne pourrait même pas savoir qu’elle avait assisté à cet acte monstrueux. Elle essayait tant bien que mal de calmer la tempête. Elle ne voulait pas peiner Petronella, qui serait certainement déçue de voir sa plus grande amie se tourner contre l’homme qu’elle aime. Ce cousin ignoble. Alistair ne pouvait pas entrer dans la confidence ; il ne le pouvait pas. Léa préfère le silence aux aveux ; comme toujours, dans chaque instant de sa vie. Elle lui avoue, cependant, vouloir le protéger. Qu’elle s’inquiètera pour lui, toujours, tant qu’il restera dans les parages. Elle espère que Petronella n’a pas fait la bêtise de raconter son entrevue avec Alistair à son cousin, mais elle sait que la jolie brune ne commettra pas ce genre d’imprudence. Alistair serre doucement la main de Léa, qui baisse les yeux vers leur mains enlacées : elle en avait presque oublié qu’ils se tenaient la main.« Si tu t’inquiètes pour moi, comprends que je m’inquiète pour toi... pour elle et toi ». Léa secoue la tête : il n’a pas besoin de s’inquiéter pour elle, ni pour Petronella, d’ailleurs. Aussi violent que Ragnar peut être, il ne s’attaquera jamais à la femme qu’il aime. Quant à elle, Léa, tant qu’il ne sait pas qu’elle a assisté au meurtre, rien ne pourra lui arriver. Ragnar respecte trop Petronella pour essayer de blesser sa meilleure amie. « Il ne faut pas. » murmure-t-elle. C’est bien pour lui, et seulement lui, qu’il faut s’inquiéter. Les deux jeunes filles ne risquent rien dans cette histoire. Enfin, c’est ce que Léa espère.

Alistair s’approche encore un peu plus de Léa. Cette distance la met quelque peu mal à l’aise. Elle n’aime pas se trouver aussi proches d’autres personnes – surtout pas d’un garçon presqu’inconnu. Elle lève le regard vers lui, malgré tout, parce qu’elle sent qu’une question lui brûle les lèvres. « Qui a tué Margeir ? » Léa bat des cils, rapidement. « Je… » commence-t-elle, avant de s’interrompre. Comment sait-il ? Comment peut-il savoir ? Elle qui, depuis le début, tournait autour du pot. Aurait-il pu comprendre, aurait-il su lire à travers ses mots, son regard ? Non, non, c’était impossible. Comment imaginer un meurtre ? Et surtout, comment parvenir à deviner le nom de la victime ? Pétronella avait dû lui parler, c’était la seule solution. Léa ne blâmait pas son amie. C’était son secret, elle était libre de le dévoiler à qui le souhaitait-elle. Mais Léa aurait aimé qu’elle lui en fasse part ; pour qu’elle n’est pas autant l’air d’une idiote devant le garçon. Mais si Pétronella n’avait pas dévoilé l’identité du coupable, Léa n’en ferait rien. « Je ne veux pas en parler. » déclare-t-elle, les larmes aux yeux, la voix tremblante. Car elle voit à nouveau ces flashs de violence. Elle se recule, et lève sa main, comme pour interrompre le garçon, qui allait reprendre la parole. « N’insiste pas. » dit-elle d’une voix ferme, et ajoute, plus doucement : « Je t’en prie. » Léa ne veut plus en parler. Léa ne voudrait jamais en parler. Elle voudrait qu’on la laisse en paix, loin de ses souvenirs désagréables. Léa voudrait oublier, et qu’on ne lui rappelle pas constamment ce à quoi elle avait assisté. Léa en a assez de cette histoire de meurtre. Point final.
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MessageSujet: Re: Le premier soir. [ft. Léa]   Le premier soir. [ft. Léa] EmptyDim 25 Mai - 14:35

« Il ne faut pas », elle murmure. Il ne faut pas s’inquiéter pour elle, il ne faut pas craindre pour sa vie. Petite Léa, petit oiseau, n’a pas besoin d’aide. Elle peut tenter de leurrer le monde entier, mais je sais très bien qu’elle est terrifiée. Je le vois. Léa a beau prétendre n’avoir besoin de personne, ce n’est pas le cas. Seule, elle ne pourra jamais survivre. Parce qu’elle est trop faible, parce qu’elle est trop docile, parce qu’il faudrait qu’elle se transforme en lionne alors qu’elle n’est encore qu’un chaton. Et alors que ce genre de filles ne m’intéresse pas en temps normal, je me surprends à éprouver de la tendresse pour elle. Peut-être parce que je sens qu’elle ne peut pas se débrouiller seule. Qu’elle finira forcément par se faire bouffer par ce monde trop cruel, trop grand, trop terrifiant. Et même si ça me coûte de l’avouer, je vivrai mal de voir une personne aussi pure, aussi simple qu’elle, se faire manger par la cruauté des autres.
Lorsque je prononce le prénom Margeir, elle perd pied. Décontenancée, elle me regarde. Se demande comment je peux savoir tout cela. Elle n’imagine pas que Petrónella ait pu me dire pour son fiancé assassiné, et pourtant, pourtant, je sais. Loin de moi l’idée d’effrayer l’oiseau, de lui couper les ailes ; mais avant que je puisse dire quoi que ce soit, Léa s’éloigne. Elle bafouille, elle titube presque. Ses yeux sont mouillés et me fuient, comme si elle pouvait effacer mes dernières paroles, prétendre que je n’ai jamais parlé de ce garçon. « Je ne veux pas en parler ». Sa voix tremble, ses cils battent sans relâche, comme pour chasser les larmes qui viennent les effleurer. Sans doute se dit-elle que si Petrónella ne m’en a pas dit plus, c’est qu’il faut me cacher la vérité. C’est que l’assassin est toujours dans les parages. Je le comprends vite, à sa manière d’éviter mon regard, à sa manière de chanceler alors qu’elle recule. Je m’apprête à lui dire de m’en parler. De me révéler l’identité de ce tueur. Mais elle lève la main, me regarde. « N’insiste pas » dit-elle, haussant significativement le ton. « Je t’en prie ». Elle me supplie finalement. De ne rien dire, de ne rien faire. Elle me supplie de la laisser en paix – s’il s’agit vraiment de paix – et de tourner les talons. Mais je ne suis pas comme ça, et si elle connaît ma réputation, elle le sait. Elle sait que je suis têtu, que je suis protecteur, que je suis courageux. Que je suis prêt à tout pour certaines choses. Pourtant, je ne supporte pas de la voir dans un tel état de panique, la belle Léa. Alors je m’approche, attrape sa main que je serre doucement dans la mienne. « Je suis désolé, je n’aurais pas dû parler de ça… Je te demande pardon ». J’aurais aimé ne jamais créer un tel ouragan dans l’esprit déjà torturé de la jolie blonde. Car assurément, Léa ne mérite pas d’être malheureuse. Au creux de ma paume, je sens sa peau qui tremble. Léa est si fragile, si sensible, si trop, sans demi-mesure. Même sans la connaître, je le sais. Et si je suis quelqu’un d’honnête et de loyal, je sais que d’autres personnes n’hésiteraient pas à tirer profit de sa faiblesse. Sans lâcher sa main, je cherche son regard. Ce bleu-gris terriblement beau, terriblement triste. Et alors que j’ai promis de ne plus évoquer le sujet, je reprends de plus belle, parce que c’est plus fort que moi. « Léa… Cette personne, tu la connais ? ». Celle qui a commis le crime. Je veux savoir si Léa ne parle pas parce qu’elle ne le souhaite pas, ou parce qu’elle a peur que l’on s’en prenne à elle. Stupidement, je m’inquiète, stupidement, je crois pouvoir faire quelque chose, alors que je ne suis pas un héros. Je suis simplement un comte idiot qui aimerait résoudre tous les problèmes du monde, mais n’y arrivera jamais. Pourtant, je me dois d’essayer ; autrement, s’il lui arrive quelque chose, je me sentirai toujours responsable. Mais elle détourne son regard, et je la sens trembler de plus belle, comme si je réveillais en elle une panique qu’elle tente pourtant de cacher tant bien que mal.

Cette fois-ci, je l’attire contre moi, doucement. Nous n’avons pas à être si proches, c’est vrai. Nous ne nous connaissons pas. Mais je ne peux pas la laisser comme ça, au milieu des jardins, en pleurs et grelottante. Ignorant la douleur lancinante dans mon épaule, je pose les mains sur son dos et le caresse dans un geste tendre pour tenter de calmer la jolie blonde. « Je n’en parlerai plus » dis-je simplement, dans un chuchotement. Je préfère ne rien savoir de plus sur cette histoire plutôt que de traumatiser davantage la Saphiroyse. Je laisse ses spasmes s’étouffer dans mes bras, je laisse ses yeux se sécher sans avoir à affronter de nouveau mon regard. Parce que je ne connais pas Léa, mais que je la devine. Sa faiblesse cache en réalité un vrai courage ; celui de tout cacher, de ne rien révéler, de rester discrète alors qu’à l’intérieur, elle hurle. Léa est fragile, mais si forte à la fois. Peut-être plus forte que Petrónella, qui n’a pas pu s’empêcher de me raconter ce meurtre, alors que Léa voulait se taire, Léa voulait m’empêcher de connaître la vérité, et ça requiert une bravoure bien plus importante. J’entends presque son cœur battre si fort, trop fort dans sa poitrine, comme si lui aussi tentait de retenir les secrets qu’elle garde enfouis en elle. Mais je ne bouge pas. Ma joue collée à la sienne, je la serre, je la garde contre moi, en espérant simplement que ce secret ne finira pas par avoir raison d’elle.
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