Au milieu de l'or et du pourpre qui recouvre les tapisseries de ces appartements éclatants, les rubissans se promènent comme les maitres des lieux, tandis que leurs semelles claquent contre le parquet verni et sans le moindre défaut. Pour entrer dans les appartements de Rubis, ni clé ni mot de passe: il suffit d'être rubissan, et croyez bien que la double porte sait faire la différence (elle crache des flammes devant l'importun qui croit pouvoir pénétrer dans des lieux où il n'est pas le maitre, mais l'esclave). Deux épées croisent le fer sur un blason de bois suspendu au-dessus de la cheminée, là où trône habituellement le portrait d'un sorcier célèbre: les rubissans n'ont pas besoin de modèles. Des fers de chevaux peuvent également orner les murs, à côté desquels scintillent parfois les coupes remportées par les meilleurs joueurs de polo de l'écrin rouge. Les lits ressemblent à des couches, presque à même le sol toujours propre, et aucun volet ni rideau ne masque les fenêtres. Personne ne lit paisiblement ou ne révise dans ces appartements, sans cesse happés par les bagarres, les cris, les tons qui s'élèvent, épées et les sortilèges qui s'entrechoquent. Les fauteuils de cuir sont profonds et moelleux, assez pour que les lions puissent s'y prélasser sans gêne. La salle d'eau ressemble à un grand hammam où la chaleur coupe la respiration. Des bacs d'eau brûlante et parfumée y attendent les étudiants. Les garçons et les filles se baignent au même endroit, mais pas en même temps.

Divine est l'adjectif qui lui irait le mieux. Strictement réservée aux royalistes et aux précieuses, on y entre que sur invitation et en parfaite connaissance du mot de passe, qui change à chaque réunion. S'y font des discussions politiques, des jeux mondains, on y mange des mets précieux, on s'y rencontre, la vie de la cour continue et résiste au quatrième étage de l'aile du Levant, entre la tapisserie de Tibert le Hardi et la statue de la Nymphe Branchefolle.

La tour carrée faite de pierres rouges n'a pas de plafond, et donne à ceux qui grimpent à son sommet une vision à ciel ouvert sur les derrières du palais, soit son moulin, son hameau et le canal transparent qui le traverse. Voir depuis la tour le soleil se lever est un véritable enchantement, que peu d'élèves peuvent rapporter. Dans les pierres sont gravées des runes anciennes trop vieilles pour être déchiffrées, mais la légende raconte qu'il y a bien longtemps, un enchanteur grava ce poème destiné à son aimée tout le long de la tour carrée, avant de se métamorphoser en phénix et de s'envoler au loin. Si deux sorciers se retrouvent dans cette tour et qu'un amour réciproque émane de leurs deux êtres, alors on dit que les runes de l'enchanteur se mettent à scintiller.

L'immense salle d'escrime et d'entrainement au duel du Palais. Il y fait souvent froid car de grandes grilles noires aux pointes d'or donnent directement sur l'arrière du palais, soit sur le verger qui mène, au fond, au moulin et son hameau - mais peu importe étant donné le sport qu'on y fait. Lorsqu'on vient s'y entrainer au petit matin, le soleil levant baigne de lumière la salle et c'est alors un spectacle magnifique qui s'offre à nous.